Il a cherché Meknès, François Beaurain, il a trouvé le cinéma ''Camera'' qui lui a inspiré, nécessité créative exige, de faire l'inventaire de 200 salles de cinéma marocaines en prose et en art photographique, avant de regrouper une centaine dans son livre ''Cinémas du Maroc, Lumière sur les Salles Obscures du Royaume'', publié tout récemment par la'' Croisée des Chemins'', spécialisée notamment en beaux livres. ''Etait-ce un musée ou un cinéma fantôme échappé de mon imagination?'' s'est demandé l'auteur , ébloui par la magnificence de cette salle qui a renfermé une partie de l'histoire militante de Meknès et où se sont produits d'éminents artistes, à l'image du grand Jacques Brel, dont la voix déchirante résonne toujours aux oreilles des mélomanes meknassis et de ceux venus, en mai 1966, de Fès, Rabat, Casablanca et autres villes, célébrer avec tous les honneurs la voix de celui qui avait su séduire toutes les franges de la société française, du balayeur au président De Gaulle, du paysan démuni au fonctionnaire embourgeoisé. De la salle du cinéma Camera, François Beaurain se fait guider par sa curiosité artistique et historique vers d'autres salles où d'autres monuments cinématographiques l'appelaient, lui promettant des ''dimensions impressionnantes qui semblaient sortir tout droit d'une autre époque'', confie-t-il à Barlamane.com. L'ouvrage est le témoignage de l'attachement culturel des Marocains au 7ème art. Il raconte l'émerveillement d'un peuple avide de cinéma de par ses premières découvertes de l'art du grand Ahmed Ousfour à qui l'auteur rend hommage. On y trouve aussi la description d'une passion collective pour cet art à travers lequel le mouvement national s'est vu naître. Des rencontres unissaient les militants dans ces salles cultes, et de belles projections de films se faisaient prônant la liberté des peuples et l'indépendance des pays. Le livre-photo orné d'images plus captivantes les unes que les autres, mais aussi d'articles de presse, d'extraits de livres, et d'interviews avec des professionnels du cinéma, est une fenêtre ouverte sur la diversité et l'histoire d'un patrimoine exceptionnel. Il retrace une histoire curieuse, riche et prodigieuse de ces salles, tout en éveillant les consciences à une identité marocaine qui, ouverte sur le monde, n'en préserve pas moins une spécificité qui s'exprime dans l'art architectural marocain. L'ouvrage est aussi un ensemble d'écrits et d'images vivantes qui constituent un témoin culturel, une sorte de ''thésaurus'' dans lequel peuvent puiser les imaginations de générations entières d'artistes et de créateurs. C'est un parcours qui rappelle les grands moments de ces prodigieuses salles. Un parcours vérifié, développé, écrit et mis en page avant de nous être transmis par la ''Croisée des chemins. À chaque vieille salle du cinéma son style, ses mises en scènes, son langage et son histoire. Et cette salle muse et musée du ''Camera'' laissé à l'abandon, crie un autre langage, celui de la sauver de l'état avancé de décomposition dont elle se trouve. Une partie de l'identité et de la mémoire de la ville de Meknès qui fut érigée en capitale, à la fois politique et administrative du temps de Moulay Ismail, se trouve contrainte à disparaître à jamais devant l'irresponsabilité, le manque de civisme et l'inadvertance des responsables censés prendre en main la destinée de cette salle. Heureusement qu'un effort louable a été entrepris pour le sauvetage de la salle. Il s'agit d'une belle action qui témoigne d'un sens élevé de patriotisme et de dévouement , appuyée et menée par un groupe de soutien Meknessi à la salle, dirigé par la jeune professeur de l'art cinématographique, Maryam ElAjraoui, épaulée par nombre d'intellectuels de la ville, ainsi que par Jamal Tazi propriétaire de ce magnifique patrimoine artistique de Meknès. Nul besoin de rappeler que le cinéma Caméra est presque la seule salle qui peine à survivre à la négligence et au poids de l'oubli et de l'indifférence à ces trésors de l'art et de la culture de la part des responsables de nos villes. À Meknès, par exemple, la perte de monuments du genre fut pendant de longues années l'objet de tristes questionnements sur le sort du patrimoine culturel et artistique de la ville. Le citoyen Meknessi a déjà vu tomber l'une après l'autre des salles de grande valeur cinématographique, au sein desquelles des générations ont vu se développer et s'épanouir leurs goûts pour le film marocain, asiatique, égyptien, américain, français et autres… Une culture et un savoir à dimension universelle dont les symboles ont été détruits du jour au lendemain devant le silence et l'étonnement de cinéphiles choqués et perdus dans une détresse et une mélancolie profondes suite à l'effondrement de tels repères artistiques, éducatifs et culturels de grande ampleur.