L'Algérie cherche à s'activer sur la scène continentale. Mais pour combler un retard de deux décennies, elle se paye de mots seulement. En prévision de la prochaine assemblée annuelle des chefs d'Etat et de gouvernement africains, en 2022, l'appareil diplomatique algérien multiplie les visites ou les réceptions d'Etat effectuées par le locataire d'El-Mouradia et ses obligés. Israël, qui a obtenu le statut d'observateur à l'Union africaine (UA), qu'il réclamait depuis des années, a été le dernier entrechoc subi par Alger et Pretoria. Ramtane Lamamra, «qui se rengorge et se pavane dans le sentiment de son importance», pour reprendre l'expression d'un diplomate français, s'est entretenu avec son homologue sud-africaine, Naledi Pandor. Au lieu de faire de l'axe (moribond) Alger-Pretoria un carrefour de négociation pour les conflits qui déchirent la Corne de l'Afrique, le Sahel et la Libye, on en est à des prises de parole sans consistance. Premier constat inexorable, l'activisme de l'Algérie en Afrique se limite à son bras de fer avec Rabat, déterminé par un sentiment d'encerclement lié à la reprise des relations israélo-marocaines . Les mots sont ternes, poussiéreux, creux. Florilège : «engagement indéfectible à soutenir la lutte légitime du peuple sahraoui pour l'exercice de son droit inaliénable à l'autodétermination», «engagement commun entre les deux pays à œuvrer pour les intérêts africains», «convergence des vues des deux pays sur la démocratisation des relations internationales et du Conseil du sécurité et l'unité des deux pays dans la défense des causes justes notamment celles de la Palestine et du Sahara occidental», «libération de l'Afrique du néocolonialisme», «faire en sorte que l'Afrique s'offre ses propres solutions à ses problèmes», «éviter toute éventuelle solution qui serait en défaveur des intérêts des peuples de la région». Un réactionnisme à tous crins, des discours emporte-pièce, opinions âpres, allures tapageuses. On pouvait douter que lesdits propos, dignes d'un casseur de vitres, seraient imprudentes dans un endroit comme l'Union africaine où les vitres sont plus fragiles qu'ailleurs. Lâcher un taureau aveugle dans un magasin de porcelaine n'est jamais une bonne idée. «L'air qu'on a respiré dans les dernières assemblées africaines a quelque chose de démoralisant qui gâte les meilleures intentions. Les intrigues algériennes des chambres, qui, vues de loin, semblent des merveilles, ne sont en réalité que de pitoyables comédies» nous avait confié une source marocaine qui pointe un régime algérien ballotté entre ses scrupules et ses fantaisies. C'est tout. C'est tout ce que Ramtane Lamamra propose afin d'espérer que l'Algérie reconquière son statut de «superpuissance» continentale : une politisation malsaine de certaines question régionales et une radicalisation de idéologie du nationalisme exclusif. Aucun mot, en revanche, sur la politique antimigratoire algérienne particulièrement répressive, marquée par de multiples expulsions vers le Niger ou le Mali et illustrée par les récits déchirants de clandestins subsahariens traumatisés, victimes de molestations racistes. Ensuite, l'entrisme de Tel-Aviv qui, de son côté, a fait du continent africain une priorité absolue. Israël a déployé des efforts considérables pour enrichir ses relations avec les pays africains, et a pu tisser des liens étroits avec certaines capitales sur la base d'une coopération élargie dans de nombreux secteurs : la sécurité (avec le Kenya), l'agriculture (avec l'Ethiopie et le Tchad), et, surtout, les technologies de l'information, l'énergie (avec le Maroc).