Des élus de son propre camp déçus, une opinion publique refroidie et des alliés internationaux amers : le président Joe Biden semblait bien seul mardi, alors que la Maison-Blanche s'évertue à défendre sa gestion du retrait d'Afghanistan. Sa posture est simple : «Je suis le président des Etats-Unis et à la fin, c'est moi qui assume», avait déclaré Joe Biden lundi, dans une courte allocution à la Maison-Blanche, avant de reprendre ses vacances interrompues à la résidence de camp David. En attendant que le président américain s'exprime à nouveau mercredi dans un entretien télévisé, son conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan a défendu mardi son patron. «Lorsque vous mettez fin à vingt années d'intervention militaire [...] il faut prendre une série de décisions difficiles, et aucune de ces décisions n'a de résultat sans bavure», a-t-il dit lors d'une conférence de presse. Jusqu'ici la décision de retirer les troupes américaines, prise au départ par Donald Trump, et confirmée par Joe Biden en fixant la date butoir du 31 août, était populaire auprès de l'opinion publique américaine. Mais les Américains ont été choqués par la vitesse à laquelle les talibans ont pris le contrôle du pays, par les images sidérantes de l'aéroport de Kaboul lundi, par l'évacuation en catastrophe de l'ambassade américaine. Sondage Seuls 49 % des 1999 électeurs interrogés par Politico et Morning Consult du 13 au 16 août soutenaient la décision du président démocrate de quitter le pays, contre 69 % en avril. L'administration Biden, qui à défaut d'être flamboyante se veut efficace, bien organisée, soucieuse de concertations à l'échelle nationale comme internationale, est attaquée sur tous ces points, jusque dans les rangs des élus démocrates. Le démocrate Bob Menendez, chef de la commission des Affaires étrangères du Sénat, s'est dit «déçu que l'administration Biden n'ait clairement pas pris la mesure des conséquences d'un retrait rapide». «L'appel que je lance à l'administration depuis plusieurs mois déjà, c'est qu'il faut évacuer nos alliés et s'occuper de la paperasserie après avoir mis les héros en sécurité. Et ils n'ont pas entendu cet appel», a dénoncé Seth Moulton, vétéran de l'armée américaine, et élu démocrate à la Chambre. Le président américain se voit aussi reprocher son apparente froideur, lui qui se montre toujours plein d'empathie avec ses compatriotes. «Le ton qu'il a utilisé pour décrire l'armée afghane et le gouvernement manquait de compassion et de compréhension, à un moment où les écrans sont dominés par les images désolantes de ces Afghans essayant d'échapper au cauchemar», a estimé Irfan Nooruddin, expert de l'Asie du Sud et professeur à l'université de Georgetown. La Maison-Blanche reproche aux militaires afghans, équipés et entraînés par les Etats-Unis, d'avoir renoncé à se battre contre les talibans. «Pagaille» Enfin Joe Biden, qui se flatte régulièrement d'une longue expérience en matière de politique étrangère, et qui affirme régulièrement que «l'Amérique est de retour» dans le jeu international, fait face à des alliés plein d'amertume. Le président américain, qui n'avait parlé à aucun chef d'Etat et de gouvernement étranger depuis la chute de Kaboul, s'est entretenu mardi avec le premier ministre britannique Boris Johnson. Les deux hommes «se sont mis d'accord pour tenir un sommet virtuel des chefs d'Etat et de gouvernement du G7 la semaine prochaine afin de discuter d'une approche et d'une stratégie commune», selon un communiqué de la Maison-Blanche. Le gouvernement britannique a ouvertement critiqué la décision de Joe Biden, qui a entraîné le départ des troupes de l'OTAN, dont les Britanniques. 457 soldats britanniques sont tombés en vingt ans d'intervention en Afghanistan. «Les images de désespoir à l'aéroport de Kaboul sont une honte pour l'Occident politique», a fustigé pour sa part mardi le président allemand, Frank-Walter Steinmeier. Si Joe Biden fait valoir que les Etats-Unis se retirent d'Afghanistan pour se consacrer à des défis plus grands, en particulier leur face-à-face avec Pékin, pour l'instant le régime chinois s'en donne à cœur joie. Les Américains «ont laissé une terrible pagaille» en Afghanistan, a asséné mardi Hua Chunying, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.