Pour écrire son dernier article, Ali Lmrabet avait pillé tout entiers, faits, jugements, anecdotes, préjugés. Sans pour autant évoquer les faits. A-t-on le droit de transformer des probabilités en certitudes ? Et que valent des conclusions étayées sur un appui fragile ? «Il est fort probable que», «il est plus que probable que», «il est possible que», «il est impossible que», «si cela se confirme» : entre plusieurs manières qu'il y a d'obscurcir les faits, celle qu'on peut citer d'abord comme étant en possession d'y accumuler le plus de nuages, c'est l'introduction d'opérateurs propositionnels pour établir une thèse inventée et remâchée. L'ancien «journaliste» et actuel graphomane Ali Lmrabet en démontre l'exemple dans un article publié ce 3 août sur la version française du site Middle East Eye où il est obligé de se contredire en maints endroits. Sans doute cette publication se donne pour être inédite. L'appareil déployé au début est des plus imposants. Un titre sensationnel pour faire tout de suite impression sur l'esprit du lecteur et une introduction racoleuse. Dans la suite et par tout le cours de l'article abondent les termes du langage complotiste. Qu'on y regarde d'un peu près, la fantasmagorie des mots frappe de plein fouet, mais les sophismes et les affectations ne trouvent pas crédit auprès du public. Avant d'entrer au vif du sujet, corrigeons deux informations dans l'article: «le point le plus sensible et le plus explosif dans cette histoire [de Pegasus» avancé par Ali Lmrabet, qui dit (sans vérifier) que NSO détient les informations de ses clients et l'espionnage d'Emmanuel Macron. Dans un communiqué officiel publié le 21 juillet, NSO a affirmé que le président de la République française «n'a pas et n'a jamais été une cible ou n'a jamais été sélectionné comme une cible par des clients de NSO». Au passage, l'entreprise a précisé qu'elle n'a en effet «pas accès aux données de ses clients qui doivent toutefois fournir ce type d'informations». Sauf que Ali Lmrabet préfère remplacer les constatations par des suppositions. Ensuite, Lmrabet écrit qu'«il est possible que la «sélection» (ce qui ne veut pas dire forcément «infection») du téléphone du roi Mohammed VI ait été faite volontairement pour éloigner du roi les soupçons sur sa présumée implication dans l'éventualité où on découvrirait que le Maroc utilise le logiciel espion Pegasus». L'époque de l'engouement scientifique ayant passé, Ali Lmrabet l'a remplacée par un dédain complotiste qui est pour le moins aussi déplaisant. Il étend ou modifie arbitrairement le sens des mots et l'incline vers une conclusion établie d'avance. Telle est la démonstration où se complaît Ali Lmrabet. Elle est pathétique et dramatique, si fort que cela puisse surprendre, venant d'une plume aliénée et aliénante. Par bonheur ce dont elle manque le plus, c'est des caractères d'une véritable démonstration probante. Tout ce qui excède les qualités requises pour faire une analyse exacte ou un raisonnement juste est pour lui non avenu. Ali Lmrabet, dans la suite de sa petite analyse, reprend pour son compte les développements d'un autre faussaire, Ignacio Cembrero (auteur de la retentissante fake news sur les membres de forces auxiliaires demandeurs d'asile, le 2 août), mais aussi une foule d'emprunts de détail de ce qu'a écrit l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné. Lmrabet a également picoré parmi d'autres contributions ; il a poussé l'application jusqu'à recopier les conclusions données par Omar Brouky au journal Le Monde. En gros, bien peu d'idées originales demeureront à l'avoir de Lmrabet dans son article, quand tout le compte sera dressé. Dès maintenant les conclusions sont nettes ; le plus grand mérite de l'affaire Pegasus réside dans le peu de virtuosité de ses colporteurs. Le brigandage, cette fois, n'a pas porté. Florilège d'extraits sans référence : (1) «Hammouchi est un "fils du peuple". Il est né dans les environs de Taza, pas loin du Rif, et a fait des études de droit, en arabe, à l'université de Fès. Il n'est pas issu d'une grande famille», a noté Omar Brouksy, ancien correspondant de l'Agence France, au journal Le Monde dans son édition du 31 juillet. «Il faut savoir que Hammouchi n'est pas de ceux qui oseraient se hausser du col. Il est d'origine modeste, des environs de Taza, rude région montagnarde située entre les cimes du Rif et celles du Moyen Atlas» pointe Ali Lmrabet, le 3 août au site Middle East Eye, proche des services qataris. (2) «Il ne fait rien sans l'aval du roi. Abdellatif Hammouchi fait partie d'une structure, et le Maroc est un Etat très organisé» note encore Omar Brouksy à la même source. «Que dit l'affaire Pegasus ? D'abord, qu'il est impossible pour la DST marocaine d'avoir agi sans l'aval du roi» rapporte Ali Lmrabet, décidément peu inspiré. Au passage, Lmrabet glisse une fausse information : «Etudiant dans les années 1990, il [Abdellatif Hammouchi] est passé directement de l'université à la DST». Faux, puisque la carrière d'Abdellatif Hammouchi ne démarre au sein de la DGST «qu'après un service civil au cabinet du secrétaire général du département de l'Information, alors lié au ministère de l'Intérieur» comme le mentionne Jeune Afrique. L'article de Ali Lmrabet donne un tableau clinique des plus fidèles d'un incurable crétinisme et d'une obsession, heureusement inoffensive, à l'égard du Maroc. Une école surtout pendant ces années dernières a tenté d'occuper le devant de la scène : c'est l'école hantée par les progrès du Maroc. Les productions de cette institution, pour le cas où toutes ne refléteraient pas les mêmes tendances, se reconnaissent à un signe commun : l'impuissance à ébranler un pays qui s'affirme sur la scène régionale et internationale. Ali Lmrabet espère «une situation intenable» pour Abdellatif Hammouchi. Croit-il à la réalité de ses représentations illusoires ? Autrement dit, se prend-il au sérieux ? La France qui remis les insignes d'officier à Abdellatif Hammouchi voue à ce dernier un estime infini. Le patron du contre-espionnage marocain tient des réunions régulières avec ses homologues européens. «Abdellatif Hammouchi cultive des amitiés avec les responsables des services occidentaux, où sa connaissance des dossiers liés au terrorisme en fait une personnalité appréciée» pour reprendre les mots de Omar Brouksy. Enfin et surtout, le spectacle auquel nous assistons de la part de Ali Lmrabet n'est pas tellement nouveau et inouï qu'on n'en puisse trouver d'analogues dans un passé même rapproché. Ces prises de position n'ont plus rien de nouveau. On y trouvera en abondance les mêmes signes d'aberration, les mêmes désordres et les mêmes tares que quelque analyste désœuvré, aurait pu, s'il lui en avait pris fantaisie, interpréter dans le sens de la décrépitude et de l'épuisement moral.