« L'Algérie veut reconquérir sa puissance diplomatique, notamment dans la région du Sahel », a écrit le 10 juin le quotidien officiel El Moudjahid. Selon la réforme approuvée fin 2020, Alger veut désormais permettre à ses forces de participer à des opérations de maintien de la paix. Un choix aussi périlleux que hasardé, critiqué en interne. Le chef d'état-major de l'armée algérienne Saïd Chengriha se trouve à Paris depuis quelques jours, dans le cadre d'une mission non annoncée, selon le magazine panafricain Jeune Afrique. «L'objectif de la visite du patron de l'armée algérienne : discuter avec les autorités françaises de la nouvelle donne sécuritaire au Sahel, après l'annonce par le président français Emmanuel Macron de la fin de l'opération Barkhane, ainsi que du rôle que pourrait jouer l'Algérie dans ce contexte» rapporte la même source. L'Algérie, très préoccupée des risques d'instabilité à ses frontières, veut jouer un rôle actif chez Bamako, où elle garde des liens ambiguës avec les groupes politico-militaires du nord. Avant un an, une réforme constitutionnelle exigée par le président du régime algérien Abdelmadjid Tebboune a ouvert la voie à un possible déploiement de l'armée algérienne à l'étranger, marquant un changement majeur de doctrine militaire , qui excluait jusqu'à présent toute intervention hors de ses frontières. Elle autorise désormais les troupes algériennes à prendre part à des opérations de maintien de la paix «dans le cadre du respect des principes et des objectifs des Nations unies, de l'Union africaine et de la Ligue arabe». Après plus de huit ans d'engagement plus au moins entier, le président français avait annoncé une réduction de la présence militaire française du Sahel, marquée par la fermeture de bases et une nouvelle imbrication de la lutte antidjihadiste autour d'une coordination internationale associant des Européens. Alger, en revanche, veut ressusciter l'accord de paix de 2015 entre Bamako, les groupes armés progouvernementaux et l'ex-rébellion indépendantiste à dominante touareg du nord, la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA). Un accord mort-né dont l'application a été suspendue par la crise politique. Le président algérien a affirmé mardi 8 juin que son pays était prêt à «intervenir d'une manière ou une autre» en Libye voisine pour stopper l'avancée des forces du maréchal Khalifa Haftar, lors de leur offensive lancée sur la capitale Tripoli en 2019-2020. Interrogé lors d'un entretien avec la chaîne qatarie Al-Jazeera, diffusé mardi soir, le président algérien a dit avoir songé à une intervention en Libye car «Tripoli est une ligne rouge». «Nous n'acceptons pas que la capitale d'un pays maghrébin et africain soit occupée par des mercenaires. Nous allions intervenir», a assuré Abdelmadjid Tebboune. «L'envoi de troupes militaires à l'étranger risque d'exposer nos soldats et le pays tout entier au danger», avait alerté Reda Deghbar, professeur à la faculté de droit de Blida (sud d'Alger). Cette démarche «risque d'hypothéquer la souveraineté de l'Algérie car elle va donner l'occasion à des forces étrangères s'immiscer dans les affaires internes du pays», avait prévenu Smaïl Maaref, expert des questions stratégiques.