Pour la 116e semaine depuis la naissance du mouvement prodémocratie Hirak, plusieurs milliers de personnes sont de nouveau descendues dans la rue, au moment où le régime intensifie son rouleau compresseur judiciaire et politique à l'approche d'élections législatives. Il dénonce «l'injustice, la tyrannie et l'oppression» et «un système indigne, inique et opaque» : rhizomatique et autorégulateur, le mouvement de contestation a de nouveau défilé, vendredi 7 mai, lors de manifestations devenues plus imposantes du mouvement populaire Hirak appelant à des changements considérables aux niveaux des personnels dirigeants, des réseaux et des coalitions qui les soutiennent, alors que les discours complotistes semblent bénéficier d'une vigueur nouvelle dans les hauts cercles du pouvoir. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi participé à la marche hebdomadaire à Alger à partir des quartiers populaires de Belouizdad et Bab-el-Oued, fiefs historiques de la contestation, ainsi que de la grande artère Didouche-Mourad, ont constaté les sources de Barlamane.com. «Vendredi 116 : le gang au pouvoir ennemi du peuple», pouvait-on lire sur des pancartes, en référence à la 116e semaine depuis la naissance du mouvement prodémocratie, le 22 février 2019. Des protestataires ont également demandé la «liberté pour les détenus». Quelque soixante-dix détenus d'opinion, en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, sont actuellement incarcérés dans le pays, selon le site spécialisé Algerian Detainees. Plus d'une vingtaine observent une grève de la faim depuis presque un mois. Le cortège de la contestation populaire a défilé au milieu d'un important déploiement des forces de l'ordre dans le centre de la capitale et devant les bâtiments officiels. Les marches du Hirak, qui ont repris à la fin de février après un an de suspension, à cause de la crise sanitaire, se déroulent dans un climat de répression accrue, alors que le pouvoir veut imposer sa «feuille de route» électorale – par des législatives anticipées le 12 juin – sans tenir compte des revendications de la rue. «Y a pas d'élections», ont lancé les manifestants vendredi. De leur côté, les autorités continuent de cibler opposants politiques, militants, journalistes et internautes, multipliant poursuites judiciaires et condamnations. A l'approche de la campagne électorale, les journaux proches du pouvoir stigmatisent «des forces obscures qui veulent semer le chaos» en Algérie, «à la solde des puissances étrangères et des feuilles de route émanant d'outre-mer». Par ailleurs, comme chaque vendredi à Alger, ont été déployées des banderoles fustigeant la France et son président, Emmanuel Macron – accusé de soutenir un président algérien «illégitime» ainsi que des pancartes exhortant à boycotter les produits français. Des rassemblements ont eu lieu également à Oran (nord-ouest), à Sétif (nord-est) et en Kabylie, à Béjaïa, Tizi-Ouzou et Bouira, et dans d'autres grandes villes de province. Le Comité national de libération des détenus (CNLD), une association qui vient en aide aux prisonniers d'opinion, a fait état de violences policières au moment de la dispersion de la marche en début de soirée à Oran. Des manifestants ont aussi été interpellés à Alger, et certains relâchés en fin de journée. Né en février 2019 du rejet massif d'un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, impotent et reclus, le Hirak réclame un changement radical du «système» politique en place depuis l'indépendance du pays, en 1962.