Les mesures, inédites depuis la répression de la place Tiananmen en 1989, visent des responsables locaux accusés de «graves atteintes aux droits de l'homme» envers cette minorité musulmane. La Chine a annoncé des représailles contre des responsables européens. C'est une première depuis la répression du mouvement démocratique de la place Tiananmen en 1989. L'Union européenne (UE), suivi dans l'après-midi par le Royaume-Uni, ont imposé, lundi 22 mars, des sanctions contre quatre responsables chinois dans le dossier ouïgour, cette minorité musulmane sévèrement réprimée. Ces mesures – interdictions de visas et gels d'avoirs – sont motivées par le traitement réservé aux Ouïgours dans le Xinjiang, région du nord-ouest de la Chine. Elles ciblent notamment le directeur du Bureau de la sécurité publique du Xinjiang, Chen Mingguo, accusé de «graves atteintes aux droits de l'homme», de «détentions arbitraires et traitements dégradants infligés aux Ouïgours et aux membres d'autres minorités ethniques musulmanes, ainsi que d'atteintes systématiques à leur liberté religieuse». Sont également concernés l'ancien responsable de cette province, Zhu Hailun, deux hauts responsables chinois, Wang Mingshan et Wang Junzheng, ainsi que le Bureau de la sécurité publique du corps de production et de construction du Xinjiang. Le Canada a pris des mesures quasiment identiques. Selon les défenseurs des droits de l'homme, plus d'un million de Ouïgours et d'autres minorités majoritairement musulmanes sont ou ont été détenus dans des camps dans cette région du Nord-Ouest, où la Chine est aussi accusée d'avoir stérilisé de force des femmes et imposé des travaux forcés. Pékin accuse l'UE d'ingérence Les représailles ne se sont pas fait attendre. Dans un communiqué, le ministère chinois des affaires étrangères a appelé l'UE à «corriger son erreur» et à ne pas interférer dans les affaires internes chinoises. «Cette décision, qui ne repose sur rien d'autre que des mensonges et de la désinformation, ignore et déforme les faits», a annoncé le ministère chinois des affaires étrangères dans un communiqué. Pékin dément toute atteinte aux droits de l'homme au Xinjiang et affirme que les camps de travail permettent de fournir une formation professionnelle aux populations locales et de lutter contre l'extrémisme. Pékin a annoncé, lundi, avoir pris des sanctions contre quatre entités et dix responsables européens, interdits de séjour en Chine continentale, à Hongkong et à Macao, et de faire des affaires en Chine. Parmi ces personnalités accusées de «graves atteintes à la souveraineté et aux intérêts chinois, ainsi que de répandre des mensonges et des fausses informations malveillantes» figurent notamment les eurodéputés français Raphaël Glucksmann et allemand Reinhard Bütikofer, président de la délégation pour les relations avec la Chine du Parlement européen, ou encore le chercheur allemand Adrian Zenz, dont les rapports sur le sort des Ouïgours dans la province du Xinjiang ont suscité de vives remontrances de Pékin Les entités sanctionnées par Pékin sont le comité politique et de sécurité, une structure permanente du Conseil de l'UE, la sous-commission des droits de l'homme du Parlement européen, l'Institut Mercator pour les études chinoises, basé à Berlin, et la fondation Alliance des démocraties, une ONG danoise. Ces mesures «ne changeront rien à la détermination de l'UE à défendre les droits humains», a répondu, lundi, le chef de diplomatie de l'UE, Josep Borrell, qualifiant les sanctions chinoises de «regrettables» et d'«inacceptables». Peu après les annonces européennes, les Etats-Unis ont, eux aussi, pris des dispositions contre deux des responsables chinois visés par l'UE, Wang Junzheng et Chen Mingguo. «Les autorités chinoises continueront de subir des conséquences, tant que des atrocités ont lieu au Xinjiang», a justifié dans un communiqué la responsable du secrétariat au Trésor qui supervise les programmes de sanctions, Andrea Gacki. Les Etats-Unis «continueront de mener avec force les efforts mondiaux pour lutter contre les graves violations des droits humains au Xinjiang et partout dans le monde», a-t-elle poursuivi.