Après que plusieurs enquêtes aient permis de mettre à nu la répression dont est victime, de la part du gouvernement central de Pékin, la communauté ouïghour, population turcophone de confession musulmane de l'ouest de la Chine, les parlementaires européens ont débattu, ce jeudi, d'une résolution d'urgence portant sur la situation de cette communauté. Au cours des discussions, l'essayiste et eurodéputé Raphaël Glucksmann, membre de l'alliance des socialistes et démocrates, a formellement accusé «les dirigeants du parti communiste chinois du pire crime contre l'humanité du XXIème siècle : la déportation et l'éradication du peuple ouïghour (et) la réduction à l'état d'esclavage de centaines de milliers de personnes» du seul fait de leur appartenance à cette communauté. Dans son violent réquisitoire, l'orateur a dénoncé l'internement, dans les fameux «camps de rééducation » mis en place par le gouvernement chinois, de plusieurs millions d'Ouïgours, l'enrôlement de force de près de 500.000 d'entre eux dans les champs de coton du Xinjiang qui fournit 30% de la production mondiale, la stérilisation obligatoire de leurs femmes ainsi que les disparitions et les détentions massives dont est victime cette communauté. Il a, enfin, condamné, dans les termes les plus dures, la passivité de l'Union européenne et le mutisme d'une communauté internationale qui, pour des considérations économiques et des calculs mercantilistes, « consent à ce crime par son silence et sa passivité». Soumise à l'appréciation des 681 eurodéputés présents ce jeudi, cette résolution, qui est un texte de onze pages, «demande instamment à la Commission, au Conseil et aux Etats-membres de prendre toutes les mesures afin de persuader le gouvernement chinois de fermer les camps et de mettre fin à toutes les violations des droits au Xinjiang et ailleurs». Elle condamne, en outre et avec une grande fermeté, «le système de travail forcé dirigé par le gouvernement» chinois ainsi que «le fait que des marques et des entreprises européennes bien connues en aient bénéficié». Visant, en premier lieu, à sanctionner les dirigeants chinois mis en cause, cette résolution a été approuvée par 604 députés alors que 20 ont voté contre et que 57 se sont abstenus. Mais si c'est bien la première fois que le Parlement européen a eu recours au fameux «mécanisme européen» pour les violations des droits de l'Homme qu'il avait lui-même mis en place le 14 mars 2019, force est de reconnaître que son adoption a été «massive », et c'est le moins que l'on puisse dire. Mais si, à l'issue de ce vote, Raphaël Glucksmann a exhorté l'exécutif européen et les Etats-membres à «mettre en pratique ce texte» en interdisant «l'importation de produits issus du Xinjiang», il y a lieu de préciser que la résolution adoptée ce jeudi par le Parlement européen ne se contente pas de fermer la porte à l'importation, sur le vieux continent, du coton chinois produit dans le Xinjiang mais également «à mettre un arrêt immédiat à toutes mesures visant à empêcher les naissances dans la population ouïghoure y compris les stérilisations forcées, les avortements et les sanctions contre les violations du contrôle des naissances». Cette résolution exige, enfin, la «libération immédiate et sans condition» de l'universitaire ouïghour Ilham Tohti condamné, en 2014, à la réclusion à perpétuité pour «subversion». Est-à dire qu'avec l'application de cette nouvelle résolution, le bon sens et le respect des droits humains vont, désormais, prévaloir, dans l'espace européen, sur les calculs d'intérêts en pièces sonnantes et trébuchantes ? Attendons pour voir...