La décision dimanche de l'administration républicaine sortante de Donald Trump de désigner les houthis comme «terroristes », une mesure qui débutera à la veille de l'investiture du président désigné démocrate, a été saluée par l'Arabie saoudite qui combat ces rebelles yéménites, mais critiquée à l'international. Les États-Unis doivent «annuler» leur récente décision de classer les houthis comme «terroristes», sauf à voir au Yémen une famine à très grande échelle jamais vue depuis près de 40 ans, ont affirmé jeudi avec virulence au Conseil de sécurité plusieurs hauts responsables de l'ONU. «Qu'est-ce qui l'empêcherait ? Une annulation de la décision» qui entrera en vigueur le 19 janvier, a affirmé le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les affaires humanitaires, le Britannique Mark Lowcock, en estimant que des dérogations pour les ONG délivrant l'aide humanitaire, promises par Washington, ne limiteront pas le risque de vaste famine. La décision dimanche de l'administration républicaine sortante de Donald Trump de désigner les houthis comme «terroristes», une mesure qui débutera à la veille de l'investiture du président désigné démocrate, a été saluée par l'Arabie saoudite qui combat ces rebelles yéménites. Elle a en revanche été vivement critiquée par l'Union européenne, les ONG, et des parlementaires démocrates qui ont appelé Joe Biden à revenir sur cette décision dès son entrée en fonctions. «Obstacles» politiques Outre le blocage de l'aide humanitaire, la décision américaine va entraver le processus de négociations politiques pour résoudre le conflit, ont averti les responsables des Nations unies lors d'une visioconférence du Conseil de sécurité. C'est la première fois que l'ONU, d'habitude précautionneuse dans ses déclarations sur les États-Unis, premier contributeur financier de l'Organisation, s'en prend aussi clairement et vivement à une décision de l'administration américaine sortante. Devant le Conseil de sécurité, l'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, également britannique, a souligné qu'il « s'associait fermement » à la position de Mark Lowcock «selon laquelle la décision contribuerait à la famine au Yémen et devrait donc être révoquée le plus tôt possible pour des raisons humanitaires». «Nous craignons que (la décision américaine) ait un effet de ralentissement et d'obstacles à notre travail de rapprocher les parties», a dit l'émissaire qui a des contacts réguliers avec les houthis. «La priorité la plus urgente au Yémen maintenant est de prévenir une famine massive», a insisté Mark Lowcock. «Les prédictions pour 2021 montrent que 16 millions de personnes vont souffrir de la faim», a-t-il précisé. Si elle est appliquée, la décision américaine risque de paralyser l'acheminement de l'aide humanitaire en s'opposant aux contacts avec des responsables houthis, à la gestion des impôts, l'utilisation du système bancaire, le paiement du personnel médical ou l'achat de nourriture et pétrole. La position de Mark Lowcock a aussi été partagée de manière virulente par l'Américain David Beasley, patron du Programme alimentaire mondial (Pam), prix Nobel de la Paix 2020, qui, laissant tomber son discours préparé, a improvisé en parlant de décision américaine «catastrophique». «Condamnation à mort» «Selon vous, qu'arrivera-t-il à cinq millions de personnes actuellement classées en situation d'urgence ? Elles vont glisser dans des conditions de famine», a-t-il averti. «Nous luttons maintenant contre une désignation (qui) va être catastrophique. Cela va littéralement être une condamnation à mort pour des centaines de milliers sinon des millions d'innocents au Yémen», a asséné David Beasley. «Cette désignation doit être réévaluée et franchement être annulée», a lancé le patron du Pam. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, soutient «bien sûr» cette demande faite aux États-Unis de retrait de leur décision concernant les houthis, a indiqué lors de son point-presse quotidien son porte-parole, Stéphane Dujarric. Mark Lowcock a aussi fait un appel pressant aux dons afin de financer l'aide humanitaire au Yémen. «En 2020, nous avons reçu 1,7 milliard de dollars, soit la moitié de ce dont nous avions besoin et moins de la moitié de ce que nous avions obtenu l'année précédente», a-t-il dit, en rappelant que les pays du Golfe «avaient donné beaucoup moins l'an dernier». «Les opérations permettent d'aider 13,5 millions de personnes chaque mois. Aujourd'hui, nous n'en aidons qu'un peu plus de 9 millions». En 2021, le plan de réponse humanitaire qui sera publié en février prévoit des besoins estimés à «environ 3,4 milliards de dollars» et «nous appelons les donateurs à faire des promesses généreuses et à débloquer les fonds rapidement», a déclaré Mark Lowcock. Lors de la réunion du Conseil, plusieurs pays dont la Russie, le Mexique, le Niger ou le Royaume-Uni, ont dénoncé la décision américaine, certains demandant son annulation. Les États-Unis, par la voix de son ambassadeur adjoint Richard Mills, ont rappelé être le plus grand bailleur de fonds pour l'aide humanitaire et assuré que le Trésor américain annoncerait le 19 janvier des dérogations pour limiter l'impact de la décision américaine.