Le président républicain crie à la fraude et s'estime vainqueur d'une élection dont le dépouillement est encore en cours. Quelle que soit l'issue du scrutin, c'est une intervention qui fera date : le président américain Donald Trump s'est posé, jeudi 5 novembre, sans preuve, en victime d'une vaste fraude électorale, se disant vainqueur de l'élection, en décalage flagrant avec les résultats favorables à son adversaire démocrate Joe Biden. Avec les «votes légaux, je gagne facilement» Le 45e président des Etats-Unis, fatigué, un brin abattu, a donné le spectacle d'un dirigeant tentant de s'accrocher au pouvoir. «Si vous comptez les votes légaux, je gagne facilement. Si vous comptez les votes illégaux, ils peuvent essayer de nous voler l'élection», a-t-il lancé depuis la salle de presse de la Maison Blanche, dans une tirade truffée d'approximations et de contre-vérités sur le décompte en cours. Plusieurs chaînes de télévision américaines, comme MSNBC, ABC News ou NBC News, ont décidé d'interrompre la diffusion de l'allocution du président, estimant qu'il faisait de la désinformation. CNN a, elle, décidé de ne pas couper le micro à Donald Trump, mais son présentateur vedette Jake Tapper a enchaîné avec une condamnation sans appel du chef de l'Etat. «Personne ne nous prendra notre démocratie. Ni aujourd'hui, ni jamais», a tweeté peu après Joe Biden. Quelques heures plus tôt, le candidat démocrate s'était dit certain, dans une allocution à la tonalité présidentielle, de sa victoire imminente. L'écart entre les candidats se réduit dans les Etats-clés Les Etats-Unis, qui attendent de connaître le nom du président qui prêtera serment le 20 janvier, ont les yeux rivés sur la Pennsylvanie, qui pourrait mettre fin au suspense. Si l'ancien vice-président de Barack Obama remporte cet Etat industriel, il deviendra le 46e président américain. Les vingt grands électeurs de cet Etat lui permettraient en effet de franchir le seuil décisif de 270 – la majorité du collège électoral – qui le propulserait à la Maison Blanche. L'avance initiale de Donald Trump au soir de l'élection dans cet Etat a fondu au fur et à mesure que les bulletins envoyés par courrier – à 80 % en faveur de Joe Biden – étaient comptés. Toute la journée, les responsables locaux de Géorgie, Pennsylvanie, Arizona et Nevada ont communiqué des statistiques sur les bulletins restant à compter, faisant fluctuer l'heure ou le jour où ils auront achevé les dépouillements des bulletins envoyés par la poste. Depuis mercredi, l'écart s'est resserré en Géorgie. Le résultat final dans cet Etat traditionnellement conservateur avait été promis pour la mi-journée, un engagement non tenu. A l'inverse de la Pennsylvanie et de la Géorgie, Donald Trump bénéficie directement, dans l'Arizona, de la prolongation du dépouillement. Il pourrait être en train de rattraper Joe Biden, risquant de faire perdre au démocrate les onze grands électeurs qu'AP et Fox News avaient attribués au démocrate dès la nuit électorale de mardi. Le Monde avait dans un premier temps également attribué ces grands électeurs au candidat démocrate avant de se raviser, estimant jeudi que les deux candidats pouvaient encore l'emporter dans cet Etat. C'est là, à Phoenix, qu'une foule pro-Trump s'est massée, à l'extérieur d'un site de dépouillement, aux cris de «Comptez les voix !» et de «Honte à Fox». La justice saisie Mais dans les Etats où Donald Trump était derrière Joe Biden, ses partisans lançaient «Stoppez le vote !», demandant d'invalider les bulletins non comptés le jour même de l'élection, ce qui est pourtant légal – illustration de la stratégie opportuniste du camp Trump. Le président républicain avait déclaré, dans la première nuit post-élection, qu'il avait gagné l'élection et qu'il ferait intervenir la Cour suprême, restant évasif sur les motifs. En réalité, ses avocats ont saisi la justice des Etats, selon l'objectif recherché localement, avec par exemple la menace de demander un recomptage dans le Wisconsin. Les démocrates estiment les plaintes sans fondement, mais selon les décisions de multiples juges, ces recours pourraient retarder de plusieurs jours ou semaines l'homologation des résultats. Dans le Michigan et la Géorgie, deux juges ont déjà rejeté des recours républicains. L'une des batailles concerne la grande Pennsylvanie, où les autorités ont été débordées par le volume de bulletins reçus par la poste. A la demande du camp Trump, un juge a ordonné aux autorités locales de laisser les observateurs se rapprocher un peu plus des employés chargés du dépouillement. Dehors, des partisans de M. Trump manifestaient pour dénoncer des fraudes, face à des contre-manifestants. Les lieutenants et la famille du président ont lancé une campagne de désinformation pour persuader leurs troupes que des tricheries massives étaient en cours, notamment dans les Etats comme la Pennsylvanie qui sont gouvernés par des démocrates. Plusieurs figures du parti lui ont emboîté le pas : le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham, président de la commission judiciaire, le sénateur du Texas Ted Cruz, le leader du parti à la Chambre des représentants, l'élu de Californie Kevin McCarthy, et la présidente du Comité national républicain, l'organisation du parti, Ronna McDaniel.