Alors que les peines de prison pleuvent sur les piliers du Hirak, les Algériens sont appelés à voter le 1er novembre sur la nouvelle constitution, présentée par le président Tebboune «comme une grande avancée de la démocratie et des libertés». «Êtes-vous d'accord avec la proposition de révision de la Constitution qui vous est proposée?» Les Algériens sont appelés à répondre à cette question le 1er novembre, date anniversaire du déclenchement de «la guerre de libération nationale». Pour les autorités algériennes, «cette nouvelle République» doit être «un moment de réconciliation» et mettre un terme à la mobilisation populaire (le Hirak), qui souhaite reprendre ses activités. Les manifestants ne veulent pas de cette Constitution écrite par les autorités. Depuis le début du mouvement, ils appellent à l'élection d'une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle loi fondamentale qui serait le résultat des aspirations populaires. Le dialogue des sourds et la confrontation entre les autorités algériennes et le Hirak se poursuivent donc. Selon le Premier ministre Abdelaziz Djerad, la nouvelle constitution vise à mettre l'Algérie «à l'abri des dépassements autocratiques et hégémoniques qu'elle a connus dans le passé». Elle «est en phase avec les exigences de la construction de l'Etat moderne et répond aux exigences de l'authentique bienheureux Hirak populaire», a même déclaré le président Tebboune lors d'un Conseil des ministres. Un programme alléchant mais pas très crédible selon l'opposition, alors que ce même pouvoir envoie quotidiennement des journalistes, des avocats et tous ceux qui réclament un vrai changement en prison. «A quoi sert une loi fondamentale, si elle est foulée aux pieds avant même d'être adoptée. Il en est pratiquement de même pour tous les principes démocratiques énoncés à travers une multitude d'articles, mais il est resté lettre morte», a déclaré un chroniqueur algérien très en vue. Sauf que, pour l'opposition, cette Constitution est «tout sauf un changement». Elle renforce l'autorité du président de la République et de l'armée, et voit s'éloigner un objectif majeur du Hirak: une réelle séparation des pouvoirs politiques et judiciaires. D'autant plus que ce référendum intervient à un moment où la répression s'accélère et frappe toutes les voix dissidentes. Le FFS n'approuvera pas l'élection du 1er novembre qui constitue encore une autre violence constitutionnelle et trop de force contre la volonté populaire Youcef Aouchiche, premier secrétaire du Front des forces socialistes dans un communiqué de presse du FFS Pour le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), à travers la voix de son chef Saïd Sadi, «l'hyperprésidentialisme est digne des folklores constitutionnels des républiques bananières, et la confusion des pouvoirs constitue le cadre et l'esprit d'un texte qui va n'ont qu'une finalité: paralyser davantage une administration incapable de nettoyer les gouttières chaque automne.» Même constat avec le Front des forces socialistes (FFS): «Notre constitution est votre départ.» Cette formule est devenue le hashtag de l'opposition sur Twitter. Mais les Algériens prendront-ils le temps de lire les 225 articles du texte constitutionnel? Rien n'est moins sûr. Effrayés par des décennies de confiscation politique, ils savent que les bonnes constitutions ne font pas nécessairement les bonnes pratiques politiques. Ce référendum vise avant tout à mettre fin à la révolte populaire. Pour l'opposition, le taux de participation sera le seul enjeu de ce référendum. Sera-t-elle entendue, alors que seuls les partis qui appellent à voter sont autorisés à faire campagne?