«Deux journalistes sont jugés cette semaine pour avoir rendu compte du mouvement anti-régime. Et le gouvernement entend désormais réprimer plus largement toute forme d'expression libre sur les réseaux sociaux» écrit le site France Info. Alors que le Hirak populaire souhait un projet politique novateur qui repose sur l'extension des libertés, l'abolition de la censure et l'indépendance de la justice, le régime algérien refuse de libérer le journaliste Khaled Drareni, en détention depuis fin mars, et à mettre fin au «harcèlement ciblé des médias indépendants». « La répression continue de se durcir en Algérie où le pouvoir multiplie les arrestations et les procès. Lundi 14 septembre, Karim Tabbou, l'une des figures du Hirak, le mouvement anti-régime est jugé en appel pour « atteinte au moral de l'armée ». La semaine dernière c'est le journaliste Khaled Drareni qui était poursuivi pour avoir couvert les manifestations populaires. Il sera jugé mardi et risque jusqu'à quatre ans de prison ferme» s'alarme le site France info. Depuis fin 2019, le régime algérien tente de graver ses codes narratifs. La trame se décline comme suit : l'«élection» en décembre 2019 d'Abdemadjid Tebboune consacre la «déstructuration progressive» de l'État-major de l'armée, de la nébuleuse des «groupes d'intérêts» – pour une Nouvelle Algérie plus démocratique. La réalité est tout autre : la répression sévit, Khaled Drareni fondateur et directeur du site d'information en ligne Casbah Tribune, mais aussi correspondant de la chaîne de télévision française Tv5Monde et représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Algérie, croupit en prison. Karim Tebbou, le fondateur de l'Union démocratique et sociale (UDS) et ancien premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), le plus ancien parti d'opposition, a été condamné en appel, en mars, à une année de prison ferme, au terme d'un procès expéditif. D'autres journalistes risquent le même sort. «Le nouveau pouvoir veut museler toutes les voix discordantes à commencer par celles de la presse. Toute critique du régime algérien émise peut se retourner contre son auteur et les journalistes qui prennent le risque de parler comme Akram, journaliste indépendant, pèsent chaque mot prononcé» dénonce France Info. Le Hirak populaire vitupère toujours un régime politique en crise de légitimité, une richesse financière qui ne profite qu'au nervis au pouvoir et une classe dirigeante politique véreuse, tandis que les partis politiques sont en panne de projets fédérateurs. Les milliards de dollars de capitaux algériens placés à l'extérieur, en passant par les protestations qui ont émaillé le pays au cours de l'année 2019, la occurrence de multiples mouvements sociaux organisés (grèves dans tous les secteurs d'activité publics et privés) et spontanés (des milliers de micro-émeutes dans tout le pays), les observateurs critiquent le régime d'Abdelmadjid Tebboune, qui reproduit les mêmes mécanismes que celui de son prédécesseur. France Info, qui parle de «dictature algérienne», reproduit le témoignage d'Abdallah Bena Douda, journaliste et animateur : «On ne peut pas dire la vérité, on ne peut pas critiquer l'action du gouvernement. Il y a des sujets tabous, bien sûr, on ne peut pas parler du rôle de l'armée dans la gestion du pays, beaucoup de choses, explique Abdallah Bena Douda. Khaled Drareni représente ce qu'ils aiment le moins puisqu'il était correspondant de médias étrangers. Forcément, la voix du peuple résonnait dans les médias à travers le monde, et ça, ça ne faisait pas plaisir.» Ces derniers mois, face à une liberté d'expression vacillante, la situation politique continue à être marquée par la désaffection de la rue, le discrédit des partis et une méfiance généralisée à l'égard du système. Les lois régissant l'information se multiplient, la marge de manœuvre des associations se voit réduite, et le régime de tente une reconfiguration superficielle de la scène politique, avec comme unique objectif cerner l'influence du Hirak, qui réclame l'émergence de figures nouvelles. «Il n'y a pas que le journaliste Khaled Drareni qui soit inquiété, note France Info. Certains journaux sont sous surveillance, d'autres sont asphyxiés financièrement. D'une manière générale, la liberté de la presse n'existe pas en Algérie. En fait, c'est même la liberté d'expression du peuple dans son ensemble qui est malmenée. Toute personne est susceptible de devoir rendre des comptes au pouvoir. C'est en tout cas ce qu'explique Mohamed Benchicou, auteur du livre « Le mystère Bouteflika ». Il est allé en prison et connaît bien les rouages du régime algérien. « Vous mettez un post sur Facebook, vous allez en prison. Ce qui a changé, c'est que ce n'est plus nécessairement les journalistes qui font l'information, ce sont les lecteurs, analyse l'essayiste. Et ça, avec les ramifications des réseaux sociaux, c'est un danger que le gouvernement Tebboune [Abdelmadjid Tebboune, le président algérien] est décidé à combattre »» continue le site français. Les mesures adoptées par la Loi de finances complémentaire (LFC) 2020 en introduisant de fortes restrictions économiques, ont surpris par leur radicalité, alors même que le régime insistait sur la résilience de l'économie algérienne face à l'effondrement des cours du pétrole et à la crise internationale. Le Hirak dénonce sans cesse les effets pervers de la rente pétrolière et gazière, et appelle à une ouverture économique ainsi qu'à une restauration des leviers de régulation. Les réformes économiques sont suspendues en raison des contradictions du rôle de l'Etat dans l'économie nationale, accuse le Hirak. En attendant la Nouvelle Algérie, la répression et la censure continuent, la sphère politique se présente comme une imbrication de groupements d'intérêts clientélistes. La caste dirigeante, séparée de la réalité, formée par une agrégation d'individus d'un autre temps, veut garder à tout prix la mainmise sur le pays.