Le Conseil constitutionnel doit examiner les dossiers de l'ex-président et l'ex-premier ministre, radiés des listes électorales après des condamnations judiciaires. Les candidatures à la présidentielle du 31 octobre en Côte d'Ivoire de l'ex-président Laurent Gbagbo, toujours en Belgique, et de l'ex-chef rebelle et ancien premier ministre Guillaume Soro, qui réside en France, ont été déposées, lundi 31 août, par leurs partisans à la Commission électorale indépendante (CEI) à Abidjan. Ces poids lourds de la vie politique ont tous deux été radiés des listes électorales en raison de condamnations par la justice ivoirienne et il est peu probable que le Conseil constitutionnel valide leurs candidatures. Le président Alassane Ouattara, 78 ans, et l'ex-président Henri Konan Bédié, 86 ans, avaient déjà déposé leur dossier la semaine dernière. La CEI a donc reçu les candidatures des quatre principaux protagonistes de la crise post-électorale de 2010-2011. Car MM. Ouattara, Bédié et Gbagbo, 75 ans, étaient en lice au premier tour en 2010, quand M. Soro était le chef de la rébellion, alors maître du nord du pays depuis huit ans. Le refus de M. Gbagbo de reconnaître sa défaite face à M. Ouattara au second tour avait déclenché une crise qui avait fait 3 000 morts. «Lourde responsabilité» «Nous venons de déposer le dossier de notre référent politique, le président Laurent Gbagbo, le père de la démocratie en Côte d'Ivoire», a affirmé Georges-Armand Ouegnin, président de la plate-forme Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS) à sa sortie de la CEI, accompagné de Michel Gbagbo, fils de l'ancien président. Laurent Gbagbo, qui ne s'est encore jamais prononcé publiquement sur sa candidature, est toujours en liberté conditionnelle en Belgique, dans l'attente d'un éventuel procès en appel devant la Cour pénale internationale (CPI), qui l'a acquitté en première instance de l'accusation de crimes contre l'humanité. Mais il est sous le coup d'une condamnation en janvier 2018 à vingt ans de prison par la justice ivoirienne pour l'affaire dite du «braquage de la BCEAO», la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest, lors de la crise de 2010-2011. «Le Conseil constitutionnel aura la lourde responsabilité, devant le peuple ivoirien et l'Histoire, de se prononcer sur la validité de la radiation» et de statuer sur l'éligibilité de M. Gbagbo, a lancé M. Ouegnin. Il a demandé un «audit international» des listes électorales et réclamé «la libération de tous les prisonniers politiques » et le «retour des exilés politiques avec, à leur tête, Laurent Gbagbo». Quelques heures plus tard, c'était au tour des partisans de M. Soro de déposer la candidature de leur leader et de s'exprimer dans des termes similaires. Crainte de violences Les candidats avaient jusqu'à lundi minuit pour déposer leur dossier. Parmi les nombreuses candidatures déposées lundi figurent celles de l'ancien ministre Abdallah Albert Mabri Toikeusse, de Mamadou Koulibaly, l'ex-président de l'Assemblée nationale sous le mandat de M. Gbagbo, de l'ancien préfet d'Abidjan Vincent Toh Bi Irie ou encore de Marie Carine Bladi, ex-dauphine de Miss Côte d'Ivoire. La CEI s'attend à recevoir une quarantaine de dossiers au total, dont certains « farfelus », selon son secrétariat. Le Conseil constitutionnel a ensuite quinze jours pour publier la liste des candidatures validées. Dix ans après la crise post-électorale, la crainte de violences à l'approche du scrutin du 31 octobre est forte. L'annonce que M. Ouattara avait décidé de briguer un troisième mandat a en effet provoqué des manifestations qui ont dégénéré en violences qui ont fait une quinzaine de morts en août. Comme la précédente, la Constitution de 2016 limite à deux les mandats présidentiels. Si les partisans de M. Ouattara affirment que le changement de Constitution a remis le compteur à zéro, ses adversaires jugent anticonstitutionnelle cette troisième candidature. Lundi, le chef de l'Eglise catholique de Côte d'Ivoire, le cardinal Jean-Pierre Kutwa, a estimé que la candidature de M. Ouattara à un troisième mandat n'était «pas nécessaire», appelant au «calme» et à «organiser les élections dans un environnement pacifié».