Bourrages, bidonnages, vide rhétorique et argumentatif : en choisissant le conditionnel comme tiroir verbal pour entamer son «enquête» sur l'affaire du journaliste Omar Radi, Forbidden Stories nous sert des faits déréalisés, au détriment de la vérité. L'article de Forbidden Stories commence ainsi: «Poursuivi pour un tweet critique, le journaliste marocain Omar Radi aurait été surveillé pendant une année grâce à un logiciel de la société NSO Group installé sur son portable». En remarquant l'utilisation, dès la première phrase, du conditionnel «aurait été surveillé», le lecteur sensé ne doit pas perdre son temps et passe à autre chose. Mais poursuivons: «quand il mène ces enquêtes, Omar Radi [soupçonne] les autorités de ne jamais être très loin», «Omar Radi [estime]», «En 2016, il obtient (?) Un accès au registre foncier marocain, normalement réservé à certaines professions», etc. Le texte interminable de Forbidden Stories, qu'elle puise de chez Amnesty international, interpelle. Contenu caricatural, informations non vérifiées martelées à grand renfort de conditionnel, la plupart des propos rapportés sans guillemets, aucune prise en compte des exigences éthiques, des apories assénées sans donner à celles-ci de réponses définitives, etc. Un travail élaboré dans la hâte et dans le bruit. Rarement la réalité a été à ce point négligée, au bénéfice du mensonge, des attitudes, des «petites phrases», des affirmations non étayées. Forbidden Stories restera l'outil qui a réduit dix-sept journaux et sites de réputation acquise, et dont aucun n'a pris la peine de contacter les autorités marocaines pour avoir leur version, au rang de porte-voix et d'amplificateur d'une investigation sans preuves. L'enquête, hérissée d'arguments trop arbitraires, « omet » de dénouer l'écheveau des rapports complexes entre Amnesty et NSO, d'opérer un croisement de points de vue et de sources diverses et, pire encore, de revendiquer une forme d'autonomie vis-à-vis des protagonistes impliqués dans l'affaire. Seuls les arguments de la galaxie d'Omar Radi méritent de se voir accorder quelque crédit, et l'opinion contraire, négligée, voire bafouée. Le journaliste Omar Radi est, à son corps défendant, au centre d'un conflit entre le Maroc et Amnesty International après que cette dernière, qui enchaîne les scandales, ait accusé Rabat, sans corroborer ses allégations, d'avoir mis son téléphone sur écoute. Alors que le Maroc attend toujours les preuves de la supposée intrusion, le manque de distanciation avec les éléments de l'affaire de la part de Forbidden Stories entraîne au mieux une forme de myopie, au pis, une connivence, voire une complicité. Selon un rapport de la Direction générale de la sécurité des systèmes d'information (DGSSI) relevant de la Défense nationale, (cité par Jeune Afrique), « Omar Radi aurait en effet omis d'effectuer les mises à jour de sécurité sur son iPhone et continué de naviguer sur des sites non sécurisés et non chiffrés.» Une information élémentaire que Forbidden stories n'a guère évoquée. Les autorités marocaines ont arrêté un journaliste pour «ivresse et violence publiques», quelques jours après l'ouverture d'une enquête sur ses liens présumés avec des services de renseignement étrangers. Aucune mention n'a été faite sur ces deux faits, pourtant d'extrême gravité. Omar Radi prétend sans cesse qu'il a été poursuivi fin 2019 à cause d'un tweet, sauf qu'il a prétendu, le 23 janvier 2020 dans un entretien avec le site Alyaoum24, que ses ennuis judiciaires sont consécutifs à son dernier voyage en Algérie. Des déclarations passées à la trappe et qui remettent en question la sincérité du journaliste controversé. Ce dernier a accusé des médias d'avoir mené une campagne de diffamation coordonnée contre [lui], «à la suite d'une étude de marché qu'il avait effectuée pour deux cabinets de conseil», sauf qu'il n'explique jamais pour quelle raison ces médias enquêteraient sur lui. Il a déclaré qu'il était «très courant pour les journalistes, en particulier ceux spécialisés dans les affaires économiques, de produire ce type de travail de diligence raisonnable et de consultation (qui) n'a absolument rien à voir avec le monde du renseignement». On est prié de le croire sur parole. Un article publié par Un site électronique le 14 juin a dévoilé les relations enchevêtrées entre Omar Radi et deux sociétés étrangères spécialisées dans l'intelligence économique. Selon le pure-player, Radi recueille des informations pour le compte de deux sociétés étrangères «G3 good Governance Group Ltd» et «K2 intelligence Ltd». Des informations qu'Amnesty et ses caisses de résonnance ne commentent jamais. Les autorités marocaines ont exigé que le groupe de défense des droits fournisse des preuves à l'appui des accusations «graves et tendancieuses», menaçant autrement de prendre «les mesures nécessaires pour défendre sa sécurité nationale». «La réponse donnée par Amnesty ne fait que répéter les mêmes allégations légères et accusations gratuites contenues dans le rapport, sans fournir de preuves scientifiques ou d'arguments objectifs», martèlent les autorités marocaines. Une enquête qui relaye des informations plus ou moins vraies, qui s'exprime de manière interrogative, qui présente pour acquises des accusations soumises à une certaine incertitude, qui use du mode conditionnel et des tournures de phrase sensationnelles : Il ne reste plus de l'enquête que cette image d'un travail à charge et sans crédibilité.