Alors que les chiffres des institutions internationales démontrent que l'économie marocaine s'est contractée du fait notamment du confinement en place depuis la mi-mars pour endiguer la pandémie de Covid-19, le gouvernement, peu soucieux de consulter les partenaires sociaux et de détailler les délicates modalités de la levée du confinement, pêche par une communication douteuse et désastreuse. Fatigués à bon droit de l'obscurité maussade du discours gouvernemental autour de la crise sanitaire et du silence intenable dont les questions politiques et économiques qui excitent une anxiété générale demeurent depuis enveloppées, plusieurs voix dénoncent une délibération hasardeuse des affaires nationales et une ambiguité qui entoure les discours officiels, les communications ministérielles, et la publication plus ou moins parcimonieuse des détails qui concernent les mesures post-crise sanitaire. Le caractère de l'impatience qui aujourd'hui, dans les régions comme à Casablanca, se trahit de toutes parts, car c'est le signe certain d'une usure. Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine des TPE-PME, affirme que «l'économie marocaine connaît un désastre sans précédent». Le plus pressant besoin qu'affichait le gouvernement, est de s'entendre parler lui-même ; la voix qu'il est avide d'écouter, c'est celle dont ses représentants déclinent les accents, c'est la sienne propre. Aucune grande question n'était abordée par le chef du gouvernement lors de son grand oral, le 10 juin. Son allocution, froide et non-convaincante, croulait sous l'empire des circonstances et des faits accomplis qui interdisait toute espérance quant à l'avenir. Les Marocains ont écoute un homme qui s'incline sous la puissance irrésistible des faits, n'aspirant qu'à un système qui consacre les solutions acquises. Le dispositif d'allégement de la quarantaine n'a pas été esquissé en détail, alors que l'activité économique reste encore largement à l'arrêt. Aucune annonce sur la réouverture des frontières, fermées depuis mi-mars, n'a été faite alors que plus de 32.000 Marocains sont coincés dans les quatre coins du globe. Jusqu'ici, des annonces sporadiques ont affirmé que quelque 1.200 personnes ont pu rentrer au Maroc depuis l'Algérie et les villes de Ceuta et Melilla. La vie morale de la population marocaine, comme sa vie matérielle, se ressent aujourd'hui plus vivement que jamais de cette situation flottante. Au point de vue matériel, la déprime est assez manifeste : les intérêts de finance, de commerce, de tourisme, d'industrie éprouvent le contre-coup des affres de la crise sanitaire, minés par un confinement à rallonge. Dans le domaine moral, si la contagion du mal s'affaisse, la réciprocité d'action n'en reste pas peu promptes et justifiée. La sagesse la plus élémentaire indique que les relations économiques sont exposées à d'incessants dangers, lorsqu'elles sont altérées par le soupçon et par la crainte. L'observation la moins attentive montre dans les budgets l'enflure funeste des dépenses liées à la crise sanitaire, dépenses destructives des capitaux qu'elles absorbent. Les conséquences de la pandémie va enlèver des sommes considérables au capital général pour le plan de relance. En fait d'application intellectuelle, d'initiative, d'énergie morale, le gouvernement irrite et exaspère par son action ralentie. La population est travaillée par ces restrictions à rallonge de ses libertés annoncées à la dernière minute. Elle est submergée par l'impression que le gouvernement traite dédaigneusement ses griefs et ses plaintes et réclame de la clarté. Le flottement du gouvernement ne blesse pas seulement les intérêts intérieurs du Maroc, mais aussi le moral de la nation, épuisée par le plus long confinement jamais décrété. Le spectacle de ce qui se passe dans le Maroc suggère plusieurs réflexions générales et des conclusions sérieuses qui qui rompent avec le danger funeste des systèmes de compression que caresse le gouvernement, qui ne peut plus aujourd'hui se méprendre sur l'inefficacité et les dangers de ses mesures pour favoriser la reprise économique. Le Maroc, encore comprimé, a besoin de politiques nouvelles. Le cabinet dirigé par les islamistes, qui gère un pays où le commerce, l'industrie, et à certains égards l'esprit public sont épuisés; empiéte sur l'avenir avec ses demi-solutions en gérant de manière non planifiée une lutte difficile, coûteuse et prolongée contre le Covid-19. La prolongation de la crise sanitaire, c'est la durée du blocus qui ferme les ports et les frontières, c'est la suspension indéfinie du commerce, c'est par conséquent le tourisme en disette de devises. Le Maroc peut-il s'exposer à une crise économique et industrielle qui prendrait les proportions d'une crise sociale pour attendre que la pandémie s'estompe définitivement ? La communication de l'exécutif est désastreuse. Le temps presse donc. Il est impossible que la coalition au pouvoir ne le sente pas, et c'est encore sur l'évidence de la nécessité d'une prompte action vigoureuse exigée par les intérêts du Maroc que se fondent ceux qui comptent sur un dénoûment prochain et attendu de la situation actuelle. Pour notre part, nous n'aurons pas la présomption de prédire, sur ce point pas plus que sur d'autres, que c'est le bon sens qui aura raison.