A moins d'une semaine de la levée du confinement, prévu pour le 10 juin, le gouvernement de Saadeddine El Othmani n'a pas encore révélé une stratégie de déconfinement claire qui définit les étapes de la sortie du confinement et la reprise de la vie normale. Lors de sa rencontre avec les dirigeants de certains partis non représentés au Parlement le 29 mai dernier, El Othmani a encore une fois affirmé que le gouvernement propose des scénarios de relance pour l'après-confinement, sans toutefois préciser en quoi ils consistent. Le Chef du gouvernement est critiqué depuis longtemps pour son absence de vision sur les plans de déconfinement, et ce, depuis ses premières sorties médiatiques et ses allocutions au Parlement durant lesquelles il se fend de déclarations généralistes et furtives. Les citoyens commencent donc à douter que le gouvernement n'a pas encore élaboré une stratégie de déconfinement claire et bien définie pour le 10 juin. Le Maroc a cependant procédé à la relance de certaines activités économiques depuis Aïd al-fitr, comme la reprise du travail au sein de certaines entreprises, la réouverture des cafés et des restaurants, la réouverture de certains souks hebdomadaires de bétail, l'organisation des examens de baccalauréat, la reprise de l'édition pour les journaux ou encore une politique de dépistage massif mise en place par les autorités sanitaires pendant les derniers jours de confinement. Toutes ces mesures font vraisemblablement partie d'une stratégie de déconfinement. Quoique ces décisions continuent de tomber de manière aléatoire, ce qui donne l'impression qu'elles ne font pas partie d'une stratégie complète et optimale, et que chaque département ministériel prend les décisions qui vont à ses secteurs de manière indépendante. Plusieurs syndicats et institutions démocratiques ont appelé le gouvernement à dévoiler une stratégie de déconfinement. Parmi ceux-ci la Confédération nationale du Tourisme (CNT) qui a demandé au gouvernement de définir une date de réouverture des frontières et des lieux touristiques, et d'éclairer les professionnels du tourisme quant à la date de reprise de leurs activités. Le gouvernement n'a toujours pas répondu à l'appel de la CNT. Dans plusieurs villes du pays, de nombreux espaces et commerces se préparent à la réouverture sans pour autant savoir quand celle-ci aura lieu. Des salons de coiffure, des salles de sport et des magasins de prêt-à-porter font le ménage, réaménagent leur espace, mettent de la signalétique de distanciation sociale en vue de reprendre leur activité. Mais toutes ces initiatives ne leur sont inspirées que par les mesures mises en place dans des pays étrangers, faute de vision au Maroc. Le manque de vision agace même les commerces qui ont été autorisés à rouvrir. Plusieurs propriétaires de cafés par exemple n'ont pas vu d'un bon oeil la reprise de leur activité seulement pour les commandes à emporter et la livraison. Une grande partie des revenus des serveurs, par exemple consiste en pourboires. Tant que le service à table n'est pas rétabli, les propriétaires de cafés auront du mal à reprendre une activité normale et à réaliser leur chiffre d'affaires habituel. L'Association nationale des propriétaires de cafés et restaurants a incité, via un communiqué, ses adhérents à ne pas reprendre leur activité avant de « se réunir avec le Comité de veille et le gouvernement pour discuter de la situation sociale ». Même l'ONDA est en train de préparer la réouverture des aéroports. Les préparatifs ont déjà commencé à l'aéroport Mohammed V, avec notamment l'installation de signalétique de distanciation, même si la date de reprise du trafic aérien n'est toujours pas fixée. Bien que le déconfinement est prévu pour le 10 juin, le Chef du gouvernement ne compte discuter de cette stratégie que le 16 juin à la Chambre des conseillers lors d'une séance de questions orales, soit près d'une semaine après la sortie du confinement. Cette séance sera consacrée au thème de « la politique du gouvernement post-confinement : quel plan de relance économique et de traitement des impacts sociaux de la crise? », un thème qui normalement devrait figurer parmi les priorités du plan de déconfinement et qui doit être discuté et révélé avant la sortie de l'isolement sanitaire. Les trois semaines supplémentaires de confinement initiées par le gouvernement le 20 mai ont donc tout l'air d'être une période tampon, un allongement de deadline au mieux en faveur du gouvernement, qui semble être un fin procrastinateur.