Le pouvoir algérien instrumentalise-t-il l'épidémie de Covid-19 pour réduire au silence ses opposants et se venger des militants du Hirak ? s'interroge Le Monde, le 16 avril, dans un article au titre évocateur « Coronavirus : en Algérie, l'épidémie sert la répression ». Depuis la mise en place du confinement, les arrestations, emprisonnements et harcèlements se multiplient et deviennent quotidiens, particulièrement dans les rangs des militants du Hirak. Le Monde rappelle : « mardi 14 avril, deux militants de la ville de Chlef, à l'ouest d'Alger, ont été placés en garde à vue. Un troisième à Djelfa, à 300 kilomètres au sud de la capitale, était convoqué devant la police judiciaire. A Médéa, plus au nord, c'est un ex-détenu qui a été convoqué par la police de cybercriminalité, quand un autre militant était convoqué devant le même service à Jijel, à 300 kilomètres à l'est d'Alger. A Annaba, la grande ville portuaire de l'est, Zakaria Boussaha a, lui, été placé en détention ». Un rythme d'arrestations en passe de devenir normal en Algérie. Le pouvoir accélère la répression et profite du confinement pour étouffer les voix de la contestation. Pourtant, le Hirak s'était mis en stand-by, avec l'apparition de cas de coronavirus dans le pays. La contestation a momentanément posé les armes de la guerre pacifique qu'elle menait depuis plus d'un an contre le pouvoir et la répression. Un gel momentané pour permettre à l'Algérie de dépasser une cause plus grave : une épidémie. Cependant, le pouvoir algérien ne l'entend pas de cette oreille. Il profite de cette période de confinement pour régler ses comptes. « La « trêve », respectée par la rue, n'a pas incité le pouvoir à une désescalade ni à des gestes de clémence envers la cinquantaine de personnes incarcérées pour des faits en lien avec le mouvement », écrit Le Monde. A France Culure, Aïssa Rahmoune de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) affirme qu' « il est difficile de chiffrer le nombre de citoyens partisans du mouvement populaire du Hirak qui ont été arrêtés », mais il y a « au moins entre 200 et 300 détenus », précise-t-il. Leurs principaux chefs d'inculpation ? atteinte à l'intégrité du territoire national, atteinte au corps constitué, au moral de l'armée et incitation au rassemblement non armé. Et les condamnations varient de 6 et 18 mois de prison. En plus des arrestations, la censure de la presse bat son plein en ces temps de confinement. Plusieurs organes de presse ont été fermés la semaine dernière, dont une radio en ligne et un site d'information. Pour justifier ses faits, le régime ne manque pas d'arguments. L'éditeur de ces deux organes a dénoncé le « blocage de ses sites », le ministre de la Communication a rétorqué en l'accusant de recevoir financements extérieurs en infraction avec la législation algérienne et de graves insultes contre le chef de l'Etat, apprend-on par El Watan. Les journalistes ne cessent d'être arrêtés également, ou au minimum, inquiétés. En commençant par ceux qui couvraient les manifestations, aux plus téméraires qui critiquaient le pouvoir, la censure de la presse bat son plein actuellement. « C'est la pire répression contre la presse depuis les assassinats de journalistes dans les années 1990, selon le Comité national pour la libération des détenus. Même une vague de grâce présidentielle n'a pas pu sauver les détenus du Hirak algérien. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a gracié 5.037 détenus le 1er avril, mais aucun des détenus du Hirak n'en a bénéficié. L'heure est-elle réellement aux règlements de compte abusifs, alors que l'Algérie recense 2.534 cas, et que la priorité devrait être donnée au combat contre l'épidémie, et non pas au combat contre les revendications de démocratie ?