L'annonce de ce départ est une surprise, alors que l'ancien patron franco-libanais était sous le coup d'une assignation à résidence depuis le 25 avril à Tokyo, en attente de son procès, prévu pour 2020. Carlos Ghosn ne passera pas le Nouvel An au Japon. L'ancien PDG du groupe Renault-Nissan, poursuivi par la justice japonaise pour quatre chefs d'accusation, est arrivé lundi 30 décembre en avion privé à Beyrouth, au Liban, selon une information du quotidien économique Les Echos, confirmée au Monde par une source proche de l'entourage de Carlos Ghosn. L'annonce de ce départ est une surprise, alors que l'ancien patron franco-libanais avait été assigné à résidence le 25 avril dernier, en attente de son procès prévu pour 2020. Son arrivée au Liban a été confirmée tôt mardi matin par un communiqué, dans lequel Carlos Ghosn se dit victime d'«injustice» et de «persécution politique». Il ajoute ne pas vouloir rester «otage» du système judiciaire japonais qui «rejette les droits humains basiques». Le principal avocat japonais de M. Ghosn, Junichiro Hironaka, est «abasourdi» par l'annonce de la fuite de son client, qu'il dit avoir appris «par la télévision», affirmant n'avoir eu aucun contact avec lui depuis son départ. Arrêté pour malversations financières présumées le 19 novembre 2018, l'ancien PDG de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi fait face à des accusations de dissimulation de revenus entre 2009 et 2017 et d'abus de confiance. Des accusations qu'il a toujours réfutées mais pour lesquelles il risque jusqu'à dix ans de prison. Sa défense a demandé en octobre à la justice japonaise d'annuler les poursuites le visant, accusant les procureurs et des représentants du constructeur japonais de collusion dans le but d'« évincer » Carlos Ghosn et de l'empêcher de renforcer l'alliance avec Renault. Les circonstances de ce retour au Liban de l'homme d'affaires, qui possède les nationalités française, brésilienne et libanaise, restent mystérieuses. Selon les médias libanais, il est arrivé en jet privé après un transit par la Turquie. Depuis de longs mois, les avocats de Carlos Ghosn travaillaient méticuleusement sa défense. Les défenseurs du patron déchu ont choisi de plaider l'innocence de leur client sur tous les faits qui lui sont reprochés. Surtout, ils mettent gravement en cause le bureau du procureur de Tokyo et demandent au juge l'annulation de toute la procédure, estimant l'enquête pénale « inconstitutionnelle, illégale et invalide ». La justice japonaise a systématiquement rejeté toutes les demandes visant à assouplir les conditions de sa libération sous caution, notamment l'interdiction de contacter son épouse. Les avocats de Carlos Ghosn font pourtant valoir que cette restriction est contraire à la Constitution japonaise et au droit international sur les séparations familiales. Les conditions de liberté de l'ex-PDG précisaient que ses passeports étaient gardés par ses avocats, garants du respect des règles imposées par la justice à son égard. Son assignation à résidence à Tokyo lui laissait la liberté de voyager à l'intérieur du Japon, mais la durée d'absence de son domicile était réglementée. Carlos Ghosn et ses avocats se plaignaient qu'il était suivi en permanence depuis sa deuxième libération sous caution en avril, accusant dans un premier temps des officiers du bureau des procureurs. L'arrestation et l'incarcération de l'homme d'affaires ont stupéfait investisseurs et spécialistes du secteur automobile et abouti à une redistribution des cartes chez Renault et chez Nissan tout en contribuant à tendre les relations entre les deux constructeurs automobiles. Dans la foulée du déclenchement de cette affaire, Renault s'est doté d'un exécutif bicéphale en désignant en janvier dernier Jean-Dominique Senard à la présidence du groupe au losange et Thierry Bolloré au poste de directeur général. Cette union n'aura finalement duré que quelques mois, Thierry Bolloré ayant été évincé au mois d'octobre par le conseil d'administration de Renault. Chez Nissan, également, la mise sur la touche de Carlos Ghosn s'est traduite par une vaste refonte des organes de direction, le lancement en avril d'un plan de redressement opérationnel et l'annonce, vendredi, d'une sévère cure d'austérité. La démission, le 24 décembre dernier, de Jun Seki, donné comme favori pour devenir le nouveau directeur général de Nissan, a toutefois démontré que la stabilité n'était toujours pas assurée au sein d'un groupe qui a fait état en novembre d'une chute de 70 % de son résultat opérationnel trimestriel, une contre-performance inédite en onze ans.