L'élaboration des politiques considérées comme stratégiques est opaque dans le système politique algérien. Le commandement militaire, auquel la constitution n'accorde aucun rôle politique ou économique, pèse d'un poids, pourtant crucial, dans la formation des décisions et des réformes. Des manifestations ont eu lieu, dimanche 13 octobre, dans plusieurs villes algériennes contre les mesures du gouvernement concernant l'exploitation pétrolière. Décidé à attirer les investisseurs pour augmenter le niveau de production, d'améliorer la rente pétrolière en vue de financer le développement, le gouvernement espère attirer les investisseurs en abondant quelques acquis de la nationalisation et de la souveraineté et en élargissant les périmètres à offrir en concurrence. Des décisions rejetées par la rue, qui dénonce la mainmise du pouvoir sur les leviers de l'économie. Les analystes ont mis en doute le pouvoir du gouvernement intérimaire algérien d'adopter une nouvelle législation visant à inciter les entreprises internationales à s'impliquer dans le secteur de l'énergie du pays en assouplissant les conditions régissant les investissements étrangers هذا الشعب مصدر كل فخر! لا يمكن أن تُداس بعد الآن الإرادة الجماعية ما دامت القلوب تخفق وعياً و سلمية.#الجزائر#قانون_المحروقات pic.twitter.com/DvTW5vATxC — Younés Sabeur Chérif (@younessabeur) October 13, 2019 Le cabinet algérien, dirigé par le Premier ministre Noureddine Badawi, a approuvé un projet de loi sur les hydrocarbures, le 2 octobre dernier, mais les avis sur la mesure sont partagés, certains jugeant que c'est risqué et demandant qu'il soit différé jusqu'à l'installation d'un gouvernement permanent. Les autorités algériennes cherchent à accroître l'exploration des ressources en hydrocarbures du pays afin d'accroître les revenus et répondre à la demande croissante de la population. Selon des sources locales, les compagnies pétrolières internationales auraient fait pression sur l'Algérie pour qu'elle promulgue la loi en échange d'investissements destinés à rétablir l'activité du secteur, en ralenti depuis plusieurs mois. Les mêmes sources ont déclaré que la mesure était conçue pour répondre aux intérêts des entreprises internationales engagées dans le développement des activités commerciales en Algérie après des décennies d'obstacles juridiques les empêchant d'investir dans les secteurs du pétrole et du gaz en Algérie. Des représentants de Chevron, la deuxième compagnie pétrolière des Etats-Unis et ExxonMobil, la société pétrolière et gazière américaine, ont rencontré des représentants de l'industrie algérienne en septembre et ont inspecté des possibilités d'exploration potentielle. Des observateurs ont déclaré que le gouvernement comptait utiliser la préoccupation de la population face à la crise politique pour promulguer la loi, bien que cette décision représente un changement stratégique qui surpasse les pouvoirs accordés le gouvernement intérimaire. Les milieux économiques et populaires ont été interloqués par la démarche du gouvernement intérimaire qui entamé une réorganisation substantielle de structures et une transformation décisive des conditions d'accès à la recherche et à l'exploitation pétrolière sans débat. Ils ont déclaré que la loi pourrait compliquer la situation politique si elle incluait d'importantes concessions aux partenaires étrangers et pourrait engendrer des répercussions sociales et économiques imprévues. Le projet de loi indique que le gouvernement envisage de lever les subventions sur les prix de l'énergie et de l'électricité et de les soumettre aux prix internationaux. La levée des subventions pourrait entraîner, selon les experts, une augmentation de près de 300% des prix de détail de l'essence, du diesel et de l'électricité et la plupart des budgets des ménages algériens ne seraient pas en mesure de faire face à ces augmentations. Un cortège de manifestants, que la police avait réussi à maintenir sur le front de mer, se dirige vers l'APN aux cris de « Issqat el barlamen » et « parlement khawana ». Ils accusent le Parlement algérien de trahison et dénoncent la loi sur les hydrocarbures. #Algérie pic.twitter.com/EjSlwfyX5k — Zahra Rahmouni (@ZahraaRhm) October 13, 2019 D'autres analystes ont déclaré qu'ils appuient l'approche du gouvernement, soulignant la nécessité de mettre fin à un système de subventions dans lequel la plus grande partie des 15 milliards de dollars qui y sont consacrés ne vont pas nécessairement aux personnes ciblées. Les experts n'ont pas exclu que le gouvernement pousse à réformer les programmes de soutien social en même temps que la levée des subventions pétrolières. Certains ont mis en garde contre le rythme rapide des réformes et le risque de voir les actions du gouvernement intérimaire perçues comme provoquant une opinion publique hostile, avec une charge supplémentaire pour les consommateurs, susceptible d'aggraver la pauvreté dans le pays. Le nouveau projet de loi sur les hydrocarbures devait être présenté l'année dernière, mais a été gelé en raison des tensions politiques, des protestations publiques croissantes et des interrogations lancinantes sur la légitimité du gouvernement intérimaire à prendre de telles décisions. Le gouvernement parie sur les incitations compensatoires offertes aux entreprises étrangères en accélérant les opérations d'exploitation de pétrole et de gaz et en passant à l'extraction de gaz de schiste pour renflouer les caisses de l'Etat. Les données disponibles indiquent que l'Algérie aurait besoin de vendre son pétrole brut à 115 dollars le baril pour atteindre son équilibre financier, mais ce prix étant bien supérieur aux prix du marché, le gouvernement souhaite augmenter la production de pétrole à des niveaux record. Le nouveau projet de loi prévoit plusieurs incitations offertes aux investisseurs étrangers, dont l'extension des permis d'exploitation du pétrole de 12 ans à 32 ans. La mesure fixerait une période d'exploitation des gisements de gaz de schiste à 35 ans. Cela prolongerait les licences d'exploration pétrolière de neuf ans au lieu des deux ans actuels, en plus d'octroyer des contrats par consentement mutuel plutôt que par appels d'offres internationaux, ce qui augmente la possibilité de voir des entreprises internationales spécifiques, principalement américaines et françaises, dominer le secteur. Le projet de loi prévoit la réduction du délai de la loi de «préemption» utilisée par le gouvernement pour mettre fin à la renonciation ou à la vente des actifs et investissements de sociétés étrangères dans le pays, qui passerait d'un an à deux mois, ce qui aurait affecter la capacité du secteur public à intervenir dans de telles opérations. Le principe selon lequel l'Etat détient une participation majoritaire dans les grands projets d'investissement reste controversée dans le projet du gouvernement. La loi de finances de l'année 2020 en mentionne la renonciation dans les «secteurs non stratégiques». Un communiqué officiel a annoncé que le gouvernement maintiendrait la règle selon laquelle l'Algérie détiendrait au moins 51% du capital de tout projet d'hydrocarbures avec un partenaire énergétique étranger. Selon le communiqué, le projet de loi vise à fournir des avantages incitatifs aux investissements étrangers dans les hydrocarbures sans porter atteinte aux intérêts nationaux. Le défi réside dans l'insistance des sociétés du secteur de l'énergie sur l'assouplissement des restrictions à la propriété étrangère de nouveaux projets, ce qui les avait empêchées d'accroître leur rôle sur le marché intérieur. Dans le passé, la loi pétrolière du 28 avril 2005, dont le projet avait été longtemps bloqué par diverses oppositions, a soulevé une grande controverse en Algérie. Le projet, entouré de rumeurs notamment sur la privatisation de la Société nationale pour le transport, a été retiré en catastrophe, en marge d'une mobilisation massive de plusieurs acteurs de la scène politique algérienne.