En 2018, la production moyenne de pétrole a avoisiné 99,7 millions de barils par jour au niveau mondial selon les dernières données de l'AIE (Agence internationale de l'énergie). L'Afrique, avec ses 20 pays qui produisent du pétrole, produit près de 10% du pétrole mondial, estimé à 9,5 millions de barils par jour, sachant que l'Afrique dispose de près de 7,5% des réserves prouvées de pétrole et de gaz dans le monde. Dans un contexte géopolitique marqué par l'instabilité sécuritaire dans plusieurs pays africains, comment se porte, donc, la production pétrolière africaine ? Ce n'est que depuis le choc pétrolier de 1973 que l'Afrique est devenue un continent exportateur de l'or noir. Les volumes cyclopéens de production africaine de pétrole laissent penser que cette exploitation pétrolière importante doit avoir un grand impact sur l'économie des pays africains exportateurs de pétrole. Toutefois, il s'avère que dans plusieurs pays africains, cette production bénéficie rarement à l'économie nationale vu qu'elle est gérée, pour la plupart des grands pays producteurs, par des multinationales ou est destinée à l'offshoring. Preuve en est, l'Afrique centrale, qui compte le plus de ressources pétrolières dans le continent, est aussi la région dont l'économie se porte le plus mal. Faire du pétrole un véritable moteur de développement pour les pays africains reste encore un défi. En effet, 90% de la totalité du pétrole africain est entre les mains de 4 grands acteurs mondiaux : l'Union européenne, les Etats-Unis, l'Inde et la Chine. A titre d'exemple, la France importe 36,4% de son pétrole d'Afrique, les Etats-Unis 20%, la Chine 30%, l'Inde 20%. La Chine a développé une «diplomatie des ressources», et ce, depuis l'an 2000 avec la constitution du « forum de coopération sino-africain ». En échange d'accès aux ressources pétrolières, elle accorde prêts, remises de dette, construction d'infrastructures en échange d'un accès privilégié à ses entreprises au pétrole en particulier, mais aussi à diverses autres ressources. Le pétrole apparaît donc comme étant une véritable aubaine pour les pays africains. Pour Jean-Marie Chevalier, professeur à Paris-Dauphine et spécialiste des questions énergétiques , l'or noir en Afrique a bouleversé la structure des économies et bloqué le développement d'autres activités d'exportation, alimenté le clientélisme, la corruption et la bureaucratie, sans profiter vraiment aux populations. Toutefois, le pétrole est devenu « une locomotive pour l'économie » de certains pays comme l'Angola. En effet, l'exploitation du pétrole a favorisé la croissance économique de ce pays étant donné que la rente pétrolière représente 50% de son PIB, à savoir 124,2 milliards de dollars. Au Niger aussi, le pétrole a redressé en quelque sorte son économie. On note que la production pétrolière a permis une croissance économique forte de l'ordre de 7% en 2014. Aujourd'hui, le besoin de la population mondiale qui ne cesse d'augmenter fait que l'Afrique souhaite augmenter ses productions. En effet, avec 115 milliards de barils de pétrole encore à découvrir, l'Afrique comptera d'ici 2022 le plus grand nombre de nouveaux pays exportateurs d'hydrocarbures. Il s'agit d'un défi de taille. Toutefois, les pays africains espèrent mobiliser tous les moyens nécessaires pour réussir ce challenge. En effet, en mars dernier, l'ambassadeur du Soudan du Sud en Ethiopie James Morgan a fait part de la volonté de son pays de tripler sa production de pétrole actuelle, à savoir 350.000 barils par jour, pour la faire passer à un million de barils par jour. Certes, il s'agit d'un défi ambitieux compte tenu du fait que le Soudan a beaucoup souffert de l'arrêt de production de son pétrole à cause de la guerre étant donné que cette dernière avait détruit ses infrastructures pétrolières et plombé son économie qui dépend à plus de 90% du pétrole. La bonne nouvelle pour l'Afrique est que d'autres pays comme l'Ouganda, le Sénégal ou encore le Kenya rejoindront le classement des pays producteurs. En effet, des gisements pétroliers ont été découverts au large de Dakar, au Sénégal. Ils commenceront à être exploités vers 2021. Ces réserves de pétrole découvertes ont été estimées à 3 milliards de barils et le rythme de production a été estimé entre 100.000 et 120.000 barils par jour. Ce qui permettra au Sénégal d'être autosuffisant, mais aussi d'avoir un excédent destiné à l'exportation. Le pétrole rapporterait alors 50 milliards de dollars supplémentaires au PIB sénégalais. En termes de ressources et de production sur le continent, le Nigéria, l'Angola et l'Algérie prennent la tête du classement. Avec la Libye et le Gabon, ces trois pays forment le groupe des 5 pays africains membres de l'organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) qui, ensemble produisent 76% du pétrole extrait d'Afrique.Le Nigéria est sans doute le premier producteur de pétrole d'Afrique, avec une production journalière de plus de 2.037.000 barils par jour, selon les derniers chiffres de 2018. Le pays a pris comme objectif d'accroitre ses réserves de 40 milliards de barils, et de porter la production à 3 millions de barils par jour à l'horizon 2023. La production du Nigéria augmente fortement grâce à l'offshoring. Il dépasse assez souvent son quota. Il a plusieurs fois exigé l'augmentation de son quota sous la menace de quitter l'OPEP. En effet, l'industrie pétrolière du Nigéria est la moins nationalisée de l'OPEP : elle est presque entièrement gérée par des multinationales. Le Nigeria dispose également de réserves évaluées à 37,5 milliards de barils, soit 2,55% des réserves mondiales. Sur la deuxième place du podium se trouve l'Angola, avec une production pétrolière estimée à 1.707.000 barils par jour. Puis l'Algérie avec un peu plus de 1.641.000 barils par jour. La situation politique du pays n'a cependant pas changé grand-chose à la production pétrolière. L'Egypte, en produisant environ 707.000 barils par jour, devient le 4ème pays producteur de pétrole en Afrique. Le conflit armé en Libye a en effet eu des répercussions négatives sur la production pétrolière, en la réduisant à presque la moitié. La production de la Libye est passée de 852.000 barils par jour à 461 milliers de barils/jour. Il occupe ainsi la 5ème place sur le continent. Nombre des barils de pétrole par jour produits par les 5 premiers pays africains La tendance reste cependant à l'optimisme puisque la levée des sanctions occidentales permettra de nouveaux investissements dans le domaine pétrolier et ainsi une hausse de la production. La Libye dispose également des premières réserves prouvées du continent africain avec un volume estimé à 48,4 milliards de barils, ce qui la positionne au 8ème rang mondial en pesant 3,3% des réserves prouvées du monde. Avant la chute de Kadhafi, plusieurs groupes pétroliers étaient actifs en Libye en plus de la compagnie nationale (NOC). On compte le français Total, le britannique BP, l'italien ENI, l'anglo-hollandais Shell, le russe Gazprom ou encore le chinois CNPC. En 2011, au moment où se prépare une intervention de l'OTAN, le Conseil national de transition annonce qu'en cas d'intervention, il accorderait 35% du pétrole libyen à Total contre seulement 2% avant, faisant de la Libye, dès lors, la principale source d'approvisionnement en pétrole de la France. Quant au Soudan du sud, il profite désormais d'une paix relative après cinq ans de guerre avec son voisin du nord, et après avoir signé une série d'accords avec ce dernier, il peut se concentrer désormais sur la relance de son secteur pétrolier. Avec la signature de cet accord de paix de septembre 2018, le Soudan du Sud a pu ouvrir cinq champs de pétrole fermés pendant la guerre. Aujourd'hui, le pays produit 350.000 barils par jour et compte tripler sa production pétrolière prochainement. Le Gabon est également l'exemple d'un pays dont la production est en déclinaison lente. il est placé 9ème au classement africain et 37ème au niveau mondial. La production du Gabon avoisine aujourd'hui 198.000 barils par jour au lieu 213 000 barils par jour, en 2015. Ainsi, le pétrole africain est une ressource aux enjeux financiers, mais aussi géopolitiques. Plusieurs pays y voient une aubaine et une opportunité d'exploiter des gisements pétroliers dans des conditions préférentielles. Il semble que tout le monde profite du pétrole africain, sauf l'Afrique.