Le tout-puissant narcotrafiquant mexicain, Joaquín Guzmán, alias "El Chapo", a été condamné par un juge de New York à la perpétuité, troquant sa toque de baron indiscutable et redoutable de la cocaïne contre un séjour sans fin dans "la pire prison du monde". Durant le procès, l'accusation a montré que le Mexicain avait ordonné l'assassinat ou avait mis lui-même à mort au moins 26 personnes, qui étaient des informateurs, des trafiquants issus d'organisations rivales, des policiers, des collaborateurs voire même des membres de sa propre famille. Joaquín Guzmán est accusé d'avoir acheminé aux Etats-Unis au moins 1.200 tonnes de cocaïne sur un quart de siècle. Malgré son arrestation, le cartel de Sinaloa continue de fournir la majorité de la drogue qui entre aux Etats-Unis. La chute est rude pour cet homme de 62 ans qui dirigea 25 ans durant le cartel de Sinaloa, dont il fera un empire aux ramifications européennes et asiatiques. L'ancien comptable d'El Chapo, Jesus "Rey" Zambada, frère du co-fondateur du cartel de Sinaloa, Ismael "Mayo" Zambada, a raconté que le trafiquant achetait de la cocaïne en Colombie pour 3.000 dollars le kilo et la revendait pour 35.000 dollars à New York. Le cartel acheminait entre 80 et 100 tonnes de cocaïne par an aux Etats-Unis, a-t-il affirmé. Surnommé "El Chapo" (Le Courtaud) de par sa petite taille, environ 1,60 m, le "Seigneur des tunnels" en avait fait construire des dizaines sous la frontière américano-mexicaine pour acheminer la drogue. "Je fournis plus d'héroïne, de méthamphétamine, de cocaïne et de marijuana que n'importe qui dans le monde. J'ai des flottes de sous-marins, d'avions, de camions et de bateaux", se vantait-il dans une interview publiée dans le magazine américain Rolling Stone. Ses évasions rocambolesques ont alimenté sa légende et lui ont valu une notoriété internationale, jusqu'à son arrestation en 2016 qui a mis fin à des décennies de traque. Dans l'Etat du Sinaloa, une zone montagneuse au nord-ouest du Mexique, dans l'inconscient collectif de la population locale, l'idée que Joaquin Guzman est un bienfaiteur reste ancrée, malgré les sinistres révélations durant le procès du narcotrafiquant. Les trois mois d'audience du procès avaient permis de brosser le tableau le plus détaillé à ce jour de l'organisation du cartel de Sinaloa et de l'existence aussi terrifiante que rocambolesque de Joaquín Guzmán. "Cette peine est significative", a commenté le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, se disant ému par la condamnation et solidaire avec les nombreuses victimes du cartel de Sinaloa. "J'ai beaucoup de victimes dans la tête, c'est très douloureux, nous allons continuer à construire une société meilleure, plus humaine, plus fraternelle, plus solidaire et, bien sûr, pacifique et non violente", a-t-il annoncé. Le chef d'Etat veut investir l'argent saisi du narcotrafiquant pour financer des projets de développement au profit de victimes de la violence et de la criminalité liée au trafic de la drogue. Idem pour le gouvernement américain qui a demandé à saisir quelque 12,6 milliards de dollars de biens du narcotrafiquant mexicain, correspondant, selon lui, à une estimation des recettes perçues par son cartel lorsqu'il le dirigeait. Pour l'agent spécial en charge de l'affaire El Chapo, Angel Meléndez, "la sentence sépare le mythe d'El Chapo de la réalité de l'homme, Joaquín Guzmán, car pour l'homme, c'est la fin du mythe et le début de la réalité à laquelle on ne peut échapper". Celui dont le parcours a commencé en travaillant dans les champs de cannabis du Sinaloa, sa région d'origine, avant que Chicago ne le désigne "ennemi public numéro un" de la ville, va purger sa peine à l'Administrative Maximum Facility, un établissement situé au milieu de nulle part, à Florence (Colorado). "Une version aseptisée de l'enfer", titrait l'émission "60 Minutes" de la chaîne CBS en 2007. La justice lui interdit de contacter sa femme, qui ne peut lui rendre visite en détention ou lui parler au téléphone. Mais la chute du baron de la drogue ne signifie pas le déclin de son cartel de Sinaloa. Les autorités américaines accusent deux fils de Joaquín Guzmán de jouer un rôle "important" dans la direction de cette organisation hyper-violente.