Qui aurait cru que le caviar, symbole de luxe inaccessible et d'intense volupté, deviendrait un jour africain ? Pourtant, c'est sur l'île de Madagascar, le cinquième pays le plus pauvre du monde selon le classement de Forbes, que trois entrepreneurs français ont réussi à produire du caviar à 700 euros le kilo. Trois entrepreneurs français ont décidé d'importer des œufs d'esturgeons de Russie puis de les élever sur l'île rouge. L'année dernière, l'usine malgache a pu vendre une tonne de caviar en quelques semaines. Alors que ce chiffre reste infinitésimal par rapport à la production mondiale, à savoir 340 tonnes en 2017, les porteurs de ce projet espèrent quintupler leur production cette année. Après avoir vu un reportage sur un élevage d'esturgeons en France, 3 entrepreneurs français installés à Madagascar, Delphyne Dabezies, Christophe Dabezies et Alexandre Guerrie ont décidé d'importer des œufs d'esturgeons de Russie puis de les élever sur l'ile. « On a fait rire beaucoup de personnes. Mais on a pris le temps de leur prouver que c'était du sérieux. Et le caviar de Madagascar est aujourd'hui l'unique caviar produit en Afrique et dans l'océan Indien », a indiqué Delphyne Dabezies. « A l'époque, notre activité dans le prêt-à-porter de luxe était devenue pérenne et nous cherchions à nous diversifier », se souvient Delphyne Dabezies. « Nous sommes tous les trois de grands gourmands, cette émission a servi de déclic. » « Madagascar possède des terroirs complètement exceptionnels, avec des produits rares comme les cacaos, les vanilles, les crevettes bios ou les litchis », souligne la PDG, « on s'est dit qu'on pouvait y ajouter caviar et esturgeons. » Delphyne Dabezies se souvient également, que le chemin a été tortueux pour faire du lac de Mantasoa, un site perché à 1.400 m d'altitude à l'est de la capitale Antananarivo, le berceau du caviar made in Madagascar. Au début, il fallait former le personnel. Pour ce faire, des professionnels du caviar sont venus de l'étranger. Puis il a fallu organiser la filière. Les esturgeons ont été importés de Russie sous la forme d'œufs fécondés. Pour Ianja Rajaobelina, directrice adjointe de l'usine de production qui emploie 300 salariés, il est difficile d'élever les esturgeons. « Il faut prendre soin des alevins et éviter de leur donner trop ou pas assez de nourriture, afin d'avoir le plus faible taux de mortalité possible », a-t-elle indiqué. « Quand les esturgeons atteignent le poids de 7 grammes, ils sont plongés dans des bassins d'eau douce. Ce n'est qu'à 500 grammes qu'ils seront transférés dans des cages géantes posées au fond du lac de Mantasoa. Passé le seuil de 1,5 kg, seules les femelles sont conservées jusqu'à maturité de leurs œufs », a-t-elle précisé. Elle a aussi signalé que la maturation du caviar requiert maîtrise et patience. Les premiers œufs importés sont arrivés à Mantasoa en 2013. Pourtant, les premiers grammes de caviar ne sont sortis de l'usine que le 26 juin 2017, jour de la fête nationale malgache. Le caviar malgache se vend à 700 euros le kilo contre 1.500 à 3.500 euros en moyenne. La tonne qui a été produite l'année dernière s'est écoulée en quelques semaines seulement.