Le débat sur le surpeuplement des prisons refait surface. Selon les chiffres officiels, le nombre de détenus dans les établissements pénitentiaires a augmenté d'environ 11.643 personnes entre 2008 et 2012, atteignant 70.675 prisonniers. Quelle est la cause de cette surcharge ? Comment y remédier? Les réponses à ces questions divergent entre Hafid Benhachem, délégué général de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion, et Mustapha Ramid, ministre de la justice et des libertés. Pour le premier, le phénomène de surpopulation dans les centres pénitentiaires s'explique par le fait que quelque 46% des 70.000 pensionnaires des prisons au Maroc sont des prévenus en détention provisoire. «C'est la détention provisoire qui est l'une des causes directes du phénomène de surpopulation», a précisé Hafid Benhachem lors de la présentation, mardi devant la commission de justice, législation et droits de l'Homme à la Chambre des représentants, du projet de budget de son département au titre de l'année 2013. Pour sa part, Mustapha Ramid met en garde contre des approches qui lient étroitement la surcharge des prisons à la détention provisoire, qualifiant de telles approches de «tronquées». Répondant à une question orale à la Chambre des conseillers mardi, le ministre a affirmé que le dossier du surpeuplement des prisons est «compliqué et doit être abordé à travers la mise en place d'une politique pénale instaurant des sanctions alternatives». Toutefois, Mustapha Ramid n'a pas manqué d'avouer l'impact de la détention provisoire sur ce dossier. Il a appelé dans ce sens les sphères de décision à œuvrer à la limitation de la mesure de la détention provisoire, soulignant la nécessité, pour son département et le Parlement, de prendre des initiatives pour la révision du système législatif dans le sens de l'élaboration d'une politique punitive limitant la détention provisoire. Par ailleurs, lors de la séance de débat du projet de budget de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion au titre de l'année 2013, Hafid Benhachem a présenté plusieurs chiffres liés à la nature des délits et des prisonniers (voir encadré page 5). Il a, en outre, fait plusieurs annonces pour remédier à la surpopulation des prisons. Il est question de la construction de 13 nouveaux établissements pénitentiaires et dont les appels d'offres ont été lancés. Il a également annoncé l'ouverture d'autres établissements en 2013 à Azrou, Ras El Ma à Fès, Guelmim et Sidi Bennour, ainsi que le lancement de la construction d'un centre dédié aux détenues accompagnées de leurs enfants à Ain Sebaâ (Casablanca) et a rappelé l'ouverture de 5 nouveaux établissements pénitentiaires en 2012. De leur côté, les députés ont mis l'accent sur la nécessité de résoudre les nombreux dysfonctionnements pointés du doigt dans le rapport du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) sur les prisons, et ceux cités dans le rapport de la commission de justice et de législation à l'issue d'une visite d'information à la prison de Oukacha, notamment les pratiques de torture et de violence. Les députés, aussi bien de l'opposition que de la majorité, ont appelé le gouvernement à adopter une vision claire des grandes orientations de la politique pénale et à adopter des peines alternatives en vue d'alléger le phénomène de surpopulation des prisons et humaniser les conditions de détention conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution et aux conventions internationales auxquelles le Maroc a adhéré.