Géorgie. En annonçant mercredi le renforcement de son aide militaire à la république caucasienne, Washington inquiète Moscou qui voit d'un mauvais œil l'ouverture d'un front militaire américain dans sa zone d'influence. La Géorgie va-t-elle devenir le troisième front de Washington (après l'Afghanistan et les Philippines) dans sa lutte contre le terrorisme ? Si le secrétaire d'Etat Colin Powell s'est empressé de contacter le chef de la diplomatie russe, Igor Ivanov, afin de répondre aux inquiétudes de Moscou concernant l'envoi – mercredi – d'experts militaires américains dans la petite république caucasienne, l'opération est bel et bien lancée. D'ailleurs, si le Pentagone a déjà livré dix hélicoptères Huey et envoyé un petit nombre de militaires en Géorgie en novembre 2001, il a prévu d'y envoyer environ 200 autres soldats. « Je pense qu'il y a une influence d'Al-Qaïda » en Géorgie, a ainsi expliqué George W. Bush. « Il est absolument certain qu'Al-Qaïda s'est infiltré dans les gorges de Pankissi », (frontière nord), a ajouté un responsable du Pentagone, ajoutant que ce sont les Géorgiens qui ont sollicité l'envoi de conseillers américains. Mercredi, le président Bush a par ailleurs réaffirmé qu'aussi « longtemps qu'il y aurait une influence d'Al-Qaïda, où que ce soit, nous aiderons les pays concernés à les éradiquer et à les traduire en justice ». Reste que le projet américain d'envoyer des soldats d'élite en Géorgie inquiète sérieusement Moscou. Il faut dire que la petite République située entre la Russie (nord) et la Turquie (sud) a toujours occupé une position clé, notamment pour le transit du pétrole. Si en 1991, elle s'est rapprochée des Etats-Unis après l'effondrement de l'URSS, elle a dû retourner sous la sphère russe en 1999. En échange d'une stabilisation de son pouvoir, le président Edouard Chevardnadze avait alors fait appel aux troupes russes face à la rébellion. Moscou a alors obtenu l'adhésion de la Géorgie à la CEI, et la concession de quatre bases militaires russes sur le territoire… C'est pourquoi le ministre russe des affaires étrangères, Igor Ivanov, a déclaré mercredi que ce projet ne pourrait qu'aggraver les tensions dans la région, où « la situation est déjà suffisamment difficile comme cela ». Certes, le président Vladimir Poutine a récemment autorisé l'usage par les Etats-Unis de bases en Ouzbékistan, au Tadjikistan et en Kirghizie pour leur campagne en Afghanistan. Mais cette présence en Géorgie préfigure un tout autre contexte. Moscou a toutefois pris soin de souligner que le projet de Washington confirme sa conviction que la Géorgie est un foyer du terrorisme international. Pour la Russie, en effet, ce petit pays est l'une des bases arrière des séparatistes tchétchènes – contre qui le Kremlin mène une lutte « anti-terroriste » depuis le 11 septembre - qui seraient liés à Al-Qaïda. Tbilissi, capitale géorgienne, cherche pour sa part à temporiser. « A ce stade, aucune opération conjointe de lutte contre le terrorisme n'est envisagée avec les Etats-Unis », a ainsi déclaré Mirian Kiknadze, porte-parole du ministère géorgien de la défense. Les cinq experts militaires américains arrivés mercredi n'auraient donc qu'un rôle de conseillers…