Contrairement à ce qu'on pourrait en avoir espéré, la conférence régionale sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes, qui s'est ouverte lundi matin à Rabat, n'a pas drainé la foule des grands jours. Nombre d'associations militantes parmi les plus réputées ont dédaigné y prendre part en signe de désapprobation de la manière dont est conduite la stratégie du ministère qui, selon elles, ne les associe pas aux débats. Pourtant, le ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, qui a pris l'initiative de la réunion avec l'appui financier de la Norvège, a lancé le mailing le plus large afin de lui assurer le succès susceptible de réhabiliter une image plus que racornie de son rendu. De fait, les ministres des affaires de la femme de Tunisie, de Jordanie, de Palestine, et d'Azerbaïdjan y assistent aux côtés de représentants du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne. Les organisateurs expliquent cette forte présence européenne par la place de «partenaire pour la démocratie» acquise par le Maroc à la suite de la mise en œuvre de son processus de réformes politiques. Un processus qui a également conduit à accorder au Royaume le «Statut avancé» lequel a abouti à la mise en œuvre du plan 2012-2014 d'action commun avec le Conseil de l'Europe et du programme d'appui au plan de l'égalité dans la perspective de la parité 2012-2016. Les organisateurs ont du reste pris soin de préciser que le phénomène de violence contre les femmes est universel et que coûtant énormément sur le plan social et économique à la société, il est logique que tous participent à son éradication. Le chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, qui s'est déclaré heureux d'ouvrir la réunion, n'a pas manqué de dire l'importance de la lutte contre la violence faite aux femmes dans le cadre du référent religieux. L'Islam a placé la femme au meilleur rang de la société, a-t-il déclaré, rappelant que la culture islamique est pratiquement la seule à mettre «le paradis sous les pieds des mères». Il est essentiel de réformer et d'améliorer en ayant toujours le référent islamique devant les yeux, a-t-il affirmé. Il a cependant considéré que l'approche juridique ne suffit pas à lutter contre le phénomène et que l'efficacité nécessite le recours à l'éducatif et au culturel. Il a recommandé de placer la stratégie contre la violence faite aux femmes dans la continuité historique et culturelle et en conformité avec la Constitution. La ministre de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, Bassima Hakkaoui, a abondé dans ce sens en rappelant que 6 millions de femmes sont victimes de violences au Maroc (dont la conjugale). Elle a considéré que ce phénomène est d'autant plus grave que ce sont pour la plupart des personnes actives dont l'âge va de 18 à 25 ans. Après avoir rappelé ce qui a été entrepris – l'appel de Rabat en particulier- elle a dit sa volonté de poursuivre ce qu'elle estime être sa démarche participative pour résoudre le problème. Car, a-t-elle estimé, la mesure de la violence est chose difficile et dire que 55% des femmes en sont victimes est une approximation. Chahutée à l'entrée de la conférence, la ministre a également été obligée d'interrompre son discours pour s'adresser à des activistes féministes brandissant des pancartes clamant leurs revendications. «Je travaille à ce que vous voulez, votre message a été reçu», leur a-t-elle dit, sans vraiment convaincre. Une vingtaine de militantes de la coalition d'associations féministes, «Printemps féministe pour la démocratie et l'égalité» et «Printemps de la dignité», ont en effet joué les trublions en brandissant des pancartes revendicatives au moment précis où la ministre entamait son discours. Elles accusent la stratégie du ministère de manquer de vision et de clarté et de ne pas être aussi participative que le dit Bassima Hakkaoui. «Les organisations de la société civile sont exclues des débats et de l'élaboration de cette stratégie et c'est ce qui fait qu'elle est totalement inefficace», ont-elles déclaré. «Ce que nous voulons en outre ce n'est pas une réforme du code pénal, mais un nouveau code plus conforme à l'esprit et à la lettre de la nouvelle Constitution», ont-elles précisé. Quelque peu surpris par les manifestations des militantes qui ont retardé l'ouverture des travaux, Philippe Boilat, directeur général de la direction des droits de l'Homme et Etat de droit au Conseil de l'Europe, et l'ambassadeur Eneko Landaburu, représentant de l'Union européenne, tout en convenant des progrès réalisés par le Royaume en matière de démocratie, de libertés et de droits, ont appelé à associer la société civile à la discussion des projets et à la prise de décisions.