Premier transporteur maritime au Maroc, la Comanav ne pouvait échapper au débat sur la libéralisation. Pour Toufiq Ibrahimi, la régulation en vigueur est loin de défendre un quelconque monopole. ALM : S'agissant des exportations marocaines, peut-on équilibrer entre libéralisation totale et libéralisation contrôlée ? Toufiq Ibrahimi : La libéralisation du transport maritime au Maroc est déjà quasi-totale puisque près de 90 % des trafics marocains sont transportés sous pavillon international. C'est seulement le trafic de conteneurs transportés sur les lignes régulières qui continue à être administré. Il est aujourd'hui assuré par plus de dix compagnies différentes, marocaines et étrangères. C'est dire combien la régulation en vigueur aujourd'hui est loin de défendre un quelconque monopole. Bien au contraire, elle est la garante d'une harmonisation pour l'intérêt général de notre économie, à court, moyen et long termes. Il me paraît donc particulièrement important de prendre le temps de la réflexion pour sauvegarder et développer l'expérience marocaine en matière de ligne régulière qui est la seule expérience dans le domaine maritime que nous ayons pu réellement capitaliser. Et ce, d'autant plus que nous devons nous préparer à des échéances majeures à moyen terme puisque le port de Tanger-Mediterranée, par exemple, sera en mesure de drainer, à partir de 2007, un trafic de l'ordre de deux millions de conteneurs par an, soit cinq fois plus que le potentiel actuel du Maroc. La flotte marocaine des lignes régulières est-elle prête à s'accommoder de nouvelles licences ? Le développement du maritime au Maroc s'est fait depuis près d'un siècle grâce au courage d'armateurs qui ont pris le risque d'ouvrir et de développer des lignes régulières nouvelles entre les ports du Royaume et le reste du monde. Je le répète, la ligne régulière est une partie essentielle du patrimoine maritime national. Aujourd'hui, il y a un réel besoin de couvrir des zones que nous ne touchons pas directement, par exemple : la Côte Ouest Africaine, les ports sud de la Méditerranée, etc, pour répondre aux besoins stratégiques du développement du commerce extérieur du Maroc. Il y a là, à mon sens, de la place pour tout le monde, dans l'intérêt même du développement économique du pays et de la vitalité de la profession. COMANAV s'inscrit bien sûr, par devoir, dans ce développement. Quel est l'avis de la COMANAV sur les compagnies mixtes marocaines qui font les transbordements à partir des hubs : Algesiras, Valence, Malte … Les ports de transbordement, sont, comme vous le savez, au cœur de la carte geo-stratégique maritime mondiale. En d'autres termes, ils sont le poumon de la logistique internationale des conteneurs. COMANAV dans ce domaine est pro active. Nous opérons nous-mêmes une partie de ces tonnages en utilisant les « hubs » de transbordement et nous nous déployons chaque jour davantage pour asseoir notre savoir-faire dans ce domaine hautement spécialisé et à forte valeur ajoutée pour notre métier. Les carriers méga doivent être nos partenaires dans le respect des règles de partage de trafic en vigueur au Maroc et dans la plupart des pays du monde. Dans ce cadre, le transfert de leur savoir-faire vers les opérateurs nationaux enrichira le paysage logistique national. La flotte marocaine peut-elle supporter une libéralisation rapide ? A vrai dire, dans le passé récent, l'ouverture n'a pas vraiment bénéficié à la flotte marocaine puisqu'elle est passée de plus de 60 à à peine une quarantaine de navires aujourd'hui. Mais je reste convaincu qu'une plus grande libéralisation encore de notre secteur, si elle se fait d'abord avec le souci de la sauvegarde et du développement de l'emploi et en respectant le rythme naturel deudéveloppement de nos entreprises, peut être le catalyseur d'un nouvel essor du pavillon marocain.