Le Conseil d'administration de l'ASMEX se tient aujourd'hui, soit deux semaines après l'annonce de la primature pour une libéralisation totale du transport en 2004. C'est plutôt l'inverse qui s'observe sur le terrain. C'est aujourd'hui que se tient le conseil d'administration de l'ASMEX (Association marocaine des exportateurs). Plusieurs sujets sont à l'ordre du jour. Outre les traditionnelles lectures et approbations des rapports financier et moral, et la succession attendue de Mohamed Tazi qui vient de cumuler deux mandats, l'association se penchera sur les évolutions des rapports entre transporteurs et chargeurs. Le thème de la libéralisation du transport maritime, qui fait partie de la matrice des 67 recommandations adressées par les transporteurs au premier ministre risque donc de voler la vedette. Car, depuis le discours du premier ministre, il y a deux semaines, à la Primature, discours solennel, fait en présence de sept ministres, des représentants des départements du Transport et de l'Equipement, les spéculations se font nombreuses. «L'année 2004 sera celle de la libéralisation de tous les transports», avait dit solennellement Driss Jettou. Mais deux semaines après cette rencontre tenue à la primature, les armateurs attendent toujours une circulaire, un décret d'application. Cette impatience s'explique aisément, selon Abdel Ilah Kabbaj, l'un des associés de MSC Maroc, quasiment leader dans le container avec 45 000 unités transportées en 2003 par les contraintes du calendrier. «Le mois de janvier est très important pour notre profession. C'est la période où s'établit le programme de l'année, les appels d'offres entre transporteurs et chargeurs». Ces supposées hésitations de la part du ministère de tutelle sont interprétées différamment. D'aucuns y voient une volonté affichée de protéger la Comanav, entreprise inscrite au rang des privatisables dans l'actuelle loi de finances. Aussi bien au ministère du transport qu' à la Direction de la Marine marchande, on est plutôt avare de commentaires sur la question. Cela étant, d'aucuns se demandent si vraiment avec l'état actuel de la flotte marocaine, la libéralisation déjà effective à l'export sur le vrac et le container, est une bonne alternative. Le pavillon marocain a encore une faible portion dans le fret national. Pour ce qui est de l'import, le pourcentage détenu par la flotte marocaine n'excéde pas 10%. D'après les chiffres obtenus auprès du Secrétariat général du Transport, plus de 90% des containers passent par des flottes étrangères. D'où les revendications des armateurs de voir s'instaurer la libre concurrence pour les navires battant pavillon marocain. De leur côté, les chargeurs, l'ASMEX en particulier, espèrent tirer du processus la possibilité, dévolue ailleurs à tout transporteur, de pouvoir choisir un transporteur en fonction de la qualité de son service, du prix et, pour reprendre le jargon du métier, du transit-time. Or, actuellement, les exportateurs font face à non seulement la maîtrise des coûts de fret très variables (ils viennent d'augmenter), mais aussi au dictat de l'Assamat , association à but non lucratif qui réunit quelques stevdores et qui avait augmenté les tarifs sans préavis au mois d'août 2003. Normalement, d'après les déclarations du premier ministre, toute augmentation doit être suspendue, faut de quoi, l'ODEP doit prendre les choses en main, en attendant l'approbation du nouveau code maritime et la libéralisation annoncée. Autre problème souligné par le premier ministre, la constitution des pools maritimes. M. Jettou a laissé entendre être opposé à la pratique dans le contexte actuel où l'un des principaux bénéficiaires, la Comanav, est en phase de la libéralisation. En attendant que le ministère concerné n'ajuste sa politique face à la nouvelle donne, les prix flambent et le désordre entre chargeurs et armateurs est bien réel. La sonnette d'alarme de la discrète AFFM (association des Freight Forwarders au Maroc), traduit l'inquiétude des chargeurs. Car, cumulées à la cascade de hausses et au relèvement des frêts de manutention de 25 à 30%, le fret des conteneurs au Maroc atteint désormais des sommets. A la fin 2003, le prix du transport du conteneur standard 20 pieds se négociait au-delà des 600 euros contre beaucoup moins dans les pays riverains du bassin méditerranéen. Si pour la Comanav et les transporteurs, ces hausses sont bien justifiées, il n'en demeure pas qu'elles se répercutent toutes sur les groupeurs de marchandises, obligés de mettre la main à poche. La tension est donc à son comble entre les donneurs d'odre et les armateurs. Et, face à la situation, le mutisme n'est pas pour arranger les choses.