Les médecins du secteur privé montent de nouveau au créneau à travers le Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL). Ce dernier a déposé une plainte contre tous les directeurs des polycliniques de la CNSS pour motif d'exercice illégal de la médecine. Cela peut paraître invraisemblable, mais le fait est que les polycliniques de la CNSS ne disposent pas en effet d'autorisations dûment délivrées par les pouvoirs publics. Dr Mohamed Naciri Bennani explique que «les polycliniques de la CNSS n'ont aucun fondement juridique car elles n'ont jamais obtenu d'autorisation d'ouverture de la part du Secrétariat général du gouvernement». Profitant de cette lacune, le syndicat des médecins a entamé depuis quelques semaines une procédure préliminaire pour préparer son offensive judiciaire. Ainsi, à travers un avocat mandaté à ce sujet, des huissiers de justice se sont déplacés dans toutes les polycliniques de la CNSS dont les directeurs ont été invités à fournir leurs autorisations administratives. L'absence de ces autorisations a été donc dûment consignée dans des procès verbaux qui ont servi à fonder la plainte du syndicat auprès du tribunal de première instance de Casablanca. La plainte a été jugée recevable et la première audience est prévue le 23 juillet. Pour les responsables de la CNSS, cette sortie tonitruante des médecins ne semble pas vraiment surprendre pour autant. Le directeur général, Saïd Ahmidouch, estime que «les médecins du privé sortent cette carte des polycliniques de manière épisodique pour peser sur les négociations au sujet de l'assurance maladie obligatoire». Certes, M. Ahmidouch reconnaît lui aussi qu'au moment de la création des polycliniques de la CNSS, «il se peut qu'il y ait eu en effet un oubli sur le plan des formalités». Mais pour lui, il s'agit d'un faux débat, voire d'un chantage car, estime-t-il, «le plus important c'est que ces polycliniques rendent service aux assurés et à la collectivité en matière de médication et de soins». D'ailleurs, poursuit le DG de la CNSS, «le dahir portant loi sur l'AMO cite entre autres prestataires de soins les polycliniques de la CNSS ce qui veut dire que l'Etat les reconnaît implicitement comme des unités médicales en bonne et due forme». La loi sur l'AMO reconnaît implicitement les polycliniques Au-delà, pour la direction de la CNSS il est aujourd'hui impensable de vouloir fermer ces polycliniques au vu des millions de malades qui en bénéficient. Certes. Il n'empêche que cette lacune juridique flagrante devra bien être comblée. Et pour cela, c'est l'Etat qui devra agir notamment le ministère de la santé et le Secrétariat général du gouvernement (SGG). Mais là aussi, les médecins du privé ont une autre bataille à mener car pour l'instant leur plaidoyer n'a manifestement pas encore trouvé d'écoute auprès de l'administration. Dr Naciri Bennani en profite d'ailleurs pour reprocher au ministre de la santé, Lhoussaine Louardi, son immobilisme et son mutisme. «Juste après sa nomination, je lui avais remis moi-même directement un mémorandum du syndicat dans lequel tout un chapitre est consacré aux polycliniques de la CNSS». Les médecins promettent de mener la bataille jusqu'au bout C'était au mois de février 2012. Mais selon le président du SNMSL, quatre mois plus tard, le ministre de la santé n'a donné aucune suite à cette requête. Mais les médecins du privé n'en démordent pas et promettent d'aller jusqu'au bout «pour mettre fin à l'anarchie dans le secteur». Le ministre de la santé, pour sa part, n'aura pas la tâche facile. Certes, sur le plan légal il n'y a pas de doute et la décision à prendre est tout indiquée. Il n'empêche qu'il est difficilement envisageable aujourd'hui de fermer les polycliniques de la CNSS au moment où le Maroc cherche au contraire à améliorer les soins de santé. La solution médiane pourrait éventuellement résider dans la gestion déléguée. La loi sur l'AMO avait, en effet, clairement stipulé que la CNSS en tant que gestionnaire du régime AMO ne peut en même temps être aussi prestataire de soin. La Caisse est tenue, par conséquent, de se désengager de ses polycliniques en confiant la gestion à un opérateur privé marocain ou étranger. Après une première tentative qui n'avait pas abouti, la Caisse a désormais jusqu'à fin décembre 2012 pour le faire. Affaire à suivre… Comment sont créées les polycliniques de la CNSS ? L'absence d'autorisations administratives pour les polycliniques de la CNSS est connue depuis longtemps. Le problème a été déjà soulevé à d'autres occasions. Le dernier rapport de la Cour des comptes, publié au mois de mars 2012, a consacré lui aussi toute un chapitre à la question. On peut y lire notamment que ces polycliniques n'ont pas été créées de manière légale et par décision des administrations compétentes en la matière. Le rapport rappelle également que le dahir 1-72-184 portant création de la CNSS ne prévoit pas la possibilité pour cette dernière d'être elle-même prestataire de soins de santé. Du coup, ces unités ont été gérées sur un modèle bâtard à mi-chemin entre la clinique privée et l'hôpital public. Si on remonte plus loin, un rapport de la commission d'enquête parlementaire de 2002 avait mis le doigt sur la situation illégale des polycliniques de la CNSS.