Tibari Kantour expose ses tableaux jusqu'au 16 mars 2002 à la galerie Al-Manar à Casablanca. Ce peintre éprouve un étrange attrait pour les formes en décomposition. Le papier. Tout le mystère de la peinture de Tibari Kantour tient en ce mot. Le travail de ce peintre est basé, conditionné par le papier qu'il fabrique lui-même. Le peintre dit à ce propos : « Le papier est d'habitude considéré comme étant le support de la peinture. Quand je le fabrique moi-même, le papier peut être considéré non seulement comme support, mais comme œuvre elle-même. À l'intérieur du papier, toutes les techniques sont intégrées comme dans les bas-reliefs ». Les reliefs, les rugosités de sa surface, les accidents, tout ce qui fait qu'un papier est une chose tactile qui prodigue des sensations au toucher, Kantour tend à le restituer visuellement. Cette exigence de laisser cette matière amplement s'exprimer peut expliquer le peu de couleurs que le peintre lui adjoint. En effet, les tableaux de Kantour présentent une grande économie sur le plan des couleurs. Kantour n'est pas un coloriste, mais un homme attaché à l'organique dans la peinture. Il semble vouer une véritable passion au vieux, au ranci. C'est ainsi que les journaux qu'il incorpore dans ses tableaux sont volontairement vieillis. Les couches de peinture apposées en larges plaques sont également jaunies comme si elles avaient subi l'épreuve du temps. La ligne supérieure délimitant la surface peinte est constituée de minuscules grains noirs. Ces grains évoquent des corps corrompus, en décomposition, un pullulement annonciateur d'une vie en germe. Et puis, il y a le geste. Le tracé du doigt qui imprime sa marque sur le papier. Ce tracé est souvent rouge. Il dynamise la peinture de Tibari, la rend présente. Présence aussi de l'érotisme avec des formes obscènes. Tibari ne cache pas ses obsessions sexuelles, il les exhibe. Tibari Kantour est né en 1954 à Casablanca. Il vit et travaille à Sidi Maâchou. Sa peinture pèse un poids sauf de tout ornement. Peinture avare en couleurs et qui bouscule si profondément le motif qu'elle ne garde que le minimum d'éléments du monde extérieur. À peine l'empreinte de quelque chose qui a existé et que le peintre prend un étrange plaisir à estomper.