Certains milieux espagnols confondent souvent le foulard avec le tchador et le hijab. Le cas de la petite écolière marocaine mettra-t-il fin à ces confusions ? La petite fille marocaine, Fatima Al-Idrissi (13 ans), empêchée par de tendancieuses interprétations d'assister aux cours, depuis début octobre pour refus d'enlever son foulard, devait occuper, à partir de lundi, un banc dans un collège public, sans nulle condition. La démocratie espagnole, mise à l'épreuve, a tranché en faveur de la raison pour clore un faux débat qui était sur le point de torpiller 20 ans de lutte pour la convivialité et la promotion des valeurs multiculturelles. La petite Fatima, admise de force (ou par erreur) dans un collège catholique, dans la localité de San Lorenzo de Escurial (66 km au nord ouest de Madrid), s'est trouvée au centre d'un débat houleux, et sujet à un lynchage culturel, surtout de la part de certains médias, pour avoir refusé d'assister à des cours de religion catholique, et d'abandonner son foulard. Le port du foulard, qui n'est qu'un simple signe vestimentaire, a été qualifié par certains milieux conservateurs de tentative de transgression des valeurs culturelles locales et de symbole étranger à l'ordre établi. Pourtant, dans d'autres établissements scolaires et universitaires en Espagne, dans les lieux publics, le foulard est considéré comme un symbole de pudeur et un signe identitaire et culturel qui ne revêt aucune connotation religieuse. « Je n'ai jamais imposé à ma fille de porter le foulard », a assuré Ali Al-Idrissi, père de Fatima. C'est un choix personnel de ma fille qu'il faut respecter, surtout dans un Etat de droit, a affirmé ce maçon marocain, qui réside depuis 13 ans en Espagne, en parfaite harmonie avec son environnement social et professionnel. M. Al-Idrissi a invité la direction du collège où sa fille est admise, à partir de lundi, à créer de meilleures conditions de scolarisation et d'intégration pour les enfants d'immigrés et à les traiter sur le même pied d'égalité que leurs autres camarades. Le cas de la petite Fatima a fait, depuis trois jours, la Une de la presse espagnole et a été traité par la ministre de l'Education, la Culture et les Sports, lors de la conférence de presse tenue après le Conseil espagnol des ministres, vendredi dernier. Dans leurs commentaires, les médias ont démontré leur ignorance de la culture arabo-musulmane, confondant souvent le foulard avec le tchador et le hijab, l'habit traditionnel avec les symboles vestimentaires, et le droit à l'éducation avec la perception personnelle des autres cultures. Aucune norme régissant le mode de l'uniforme à porter n'existe actuellement en Espagne et dans son plan régional d'éducation, le gouvernement régional de Madrid exige la pleine intégration des minorités ethniques dans l'environnement éducatif, le respect de la différence, la reconnaissance mutuelle de l'expression des différentes cultures que recommande la convivialité plurielle et démocratique pour l'établissement d'un cadre d'intégration sociale équilibré. Se référant à cette philosophie, et après le tollé suscité vendredi et samedi, le conseiller à l'éducation de la communauté autonome de Madrid (gouvernement régional) a annoncé, publiquement, que la polémique autour du foulard de Fatima Al-Idrissi est close. Il a notifié à un collège public de El Escurial d'admettre la jeune marocaine, avec son foulard et sans nulle condition. La raison a finalement triomphé car l'exhibition de certains signes culturels ne peut être un prétexte pour priver quiconque de jouir de droits constitutionnels. L'attaque à l'identité culturelle de Fatima n'a pas eu lieu. La guerre du tchador en Espagne n'aura pas lieu. • Mohamed Boundi (MAP)