Le président du Rassemblement national des Indépendants (RNI), Ahmed Ossman, pense que les élections communales doivent donner naissance à une élite politique capable de relever les défis socio-économiques à l'échelle locale. ALM: Vous avez été Premier ministre de 1972 à 1979. Quel bilan faites-vous de la gestion communale? Ahmed Ossman: Je tiens à rappeler que j'ai été lors de mandat de Premier ministre à l'origine de la décentralisation, avec l'adoption de la Charte communale de 1976. C'est un tournant historique, une véritable révolution administrative puisque toutes les décisions à caractère local ont été prises, auparavant, par les agents autorités. Les caïds et les pachas faisaient la pluie et le beau temps. La loi de 1976 a opéré une nette rupture. Elle est aussi importante que la Marche verte. Je vous rappelle que j'ai participé avec d'autres personnalités nationales, à la rédaction de deux Constitutions, celles de 1972 et de 1992. Ceci dit, l'application n'a pas été toujours facile. Le ministère de l'Intérieur a eu du mal à accepter cette transformation et l'application des textes laisse à désirer dans plusieurs communes. C'est d'ailleurs le grand problème du Maroc. Cependant, plusieurs communes sont très bien gérées. Tout dépend des personnes et des élections. Nous avons également été les premiers à lancer la politique de déconcentration. C'est une forme de proximité, très importante, car l'administration délègue ses pouvoirs à ses représentants locaux. Pour le RNI, quels sont les enjeux des prochaines consultations communales? Aujourd'hui, nous espérons que les élections puissent donner naissance à une élite capable de relever les défis du développement socio-économique. L'enjeu primordial est sans doute la politique de proximité. Les élus doivent s'occuper des populations et de leurs aspirations. Il ne faut pas forcément qu'ils soient bardés de diplômes. Lors de la présidence du Parlement, j'ai constaté que les députés les plus dynamiques et les plus éloquents n'étaient pas forcément diplômés. Vous avez été contre le scrutin de liste, lors des élections législatives. Qu'en est-il aujourd'hui? J'avoue que je suis reticent à ce mode de scrutin. Je suis persuadé que ce n'est pas la bonne solution pour le pays. Mais le RNI s'est inscrit dans une logique majoritaire qui a opté pour le scrutin de liste. Dans la pratique, on revient toujours au système uninominal puisque les électeurs votent pour des personnes qu'ils connaissent. En général, c'est le tête de liste. Le scrutin de liste complique les choses pour tous les partis politiques, pour l'Administration et surtout pour l'électeur. Au RNI, comment s'opère le choix des candidats aux élections communales? La décision revient, en premier et dernier ressort, à la base. Nous avons procédé à la déconcentration des pouvoirs du Conseil exécutif. Ce sont donc les coordinateurs locaux qui se chargent de préparer les élections et d'établir avec les militants les listes des candidats. Pour les grandes villes, où l'unicité de la ville sera appliquée, le conseil exécutif se réserve un droit de regard vu l'importance de ces circonscriptions à l'échelle nationale. Où en est-on le dépôt des candidatures? A l'heure où je vous parle, toutes les listes n'ont pas été déposée. La procédure est assez longue. Les candidats doivent rassembler un nombre considérable de documents administratifs. Mais de toute façon, le RNI a la ferme intention de couvrir l'ensemble des circonscriptions. Le parti va-t-il aider financièrement ses candidats? C'est difficile, il nous faudra des milliards pour financer tous les candidats. Le parti se charge de l'impression de milliers d'affiches et de programmes électoraux du parti, distribués dans toutes les circonscriptions. Et chaque candidat devra veiller à apporter la touche locale dans le programme du parti, car chaque localité a ses propres spécificités. En 1997, vous avez dit que le RNI est un parti progressiste. Est-ce toujours le cas? On peut toujours dire que le RNI est un parti progressiste. Mais depuis la chute du mur de Berlin, il n'y a plus de gauche et de droite. Aujourd'hui, c'est l'économie qui prime. A ce titre, je tiens à rappeler que le RNI défend depuis toujours l'intégration des ouvriers dans le capital des entreprises. En les intéressant financièrement, on garantit la pérennité de la société, même si cette mesure ne semble plaire à tous les chefs d'entreprises. Même chose pour les MRE, pour lesquels le RNI a toujours demandé la participation aux élections. Cette année, ce n'est malheureusement pas le cas. Avez-vous envisagé d'éventuelles alliances lors ces élections? Il faut concevoir les alliances politiques après l'annonce des résultats des élections. Ce sont les coordinateurs locaux qui s'en chargeront car ils connaissent mieux tous les candidats de tous les partis. De manière générale, nous avons de très bonnes relations avec l'ensemble des formations politiques. Quel est le secret du RNI, sachant que c'est le seul parti de l'administration qui ne s'est non seulement pas affaibli, mais s'est renforcé davantage? D'abord, le RNI n'a jamais été un parti de l'administration, sauf un peu au moment de sa création. Mais au fil des années, le RNI a été combattu par l'Etat. Effectivement, malgré tous les obstacles, le RNI s'est renforcé. Nous sommes la première force dans les Chambres professionnelles. Cette réussite, nous la devons au choix des personnes. Nos militants sont des gens proches des populations, intègres et honorables. Justement, plusieurs personnalités politiques de Tanger ont été interdites de se présenter aux élections. Avez-vous été choqué? Ce que je souhaite, c'est que le Maroc conserve ses acquis démocratiques. Je suis optimiste à ce sujet. En outre, il ne faut pas exagérer, ce qui s'est passé à Tanger. En parler davantage, c'est remuer le couteau dans la plaie et donner à cet événement une importance démesurée.