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Tourisme : être à la hauteur de la Vision Royale
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 16 - 02 - 2004

Le rideau vient de tomber sur les travaux des IVèmes Assises nationales du tourisme qui se sont tenues à Casablanca les 12 et 13 février.
En fait la période opératoire, peut-on dire, n'a pas dépassé en tout et pour tout sept heures d'exposés et de monologues, le temps du déjeuner compris. Ailleurs, les Assises relatives à la croissance forte durent plusieurs semaines et impliquent de multiples ateliers et commissions. Un travail de fond est effectué à cette occasion ne laissant dans l'ombre aucun détail de conception ou d'exécution non soumis à un débat et un contrôle rigoureux. Les mesures appropriées sont alors décrétées.
Ces Assises, ont-elles répondu pleinement à l'ordre du jour établi ? Et dans quel état d'esprit laissent-elles les participants et les opérateurs ? Passons sur des questions de forme -que l'on croyait réglées depuis des lustres- et qui ont porté sur l'organisation même de cette grand-messe du Tourisme, réalisée dans des conditions pour le moins discutables : défectuosité et disfonctionnement dans l'audiovisuel, choix orienté de certains intervenants, marginalisation d'autres, défaillance des services d'accueil et de communication, excès de bavardages et pour couronner le tout passage de l'invité de marque des Assises M. Philippe Gonzalez, l'ex-Premier ministre espagnol à la fin des travaux, devant une salle quasiment vide… Ne retenons donc ici, pour prendre date, que les problèmes de fond qui, eux, attestent que bien des ambiguïtés continuent - encore ? – de « scotcher» le dossier du Tourisme tel que nous voulons tous qu'il soit consolidé et promu conformément à la « Vision 2010 » définie par S.M. Mohammed VI, voici trois ans, à Marrakech, lors des I ères Assises de ce secteur. Et qu'il soit dit en passant, quitte à y revenir dans le détail à une autre occasion, que la vision royale était et se trouve encore aujourd'hui dans l'ordre des choses réalisables, mais qu'en l'absence d'actions immédiates, il sera aléatoire d'espérer atteindre les objectifs fixés.
Première ambiguïté : la conception «administrative» d'une telle rencontre: elle tient à la nature même de son programme. Ainsi une large place, a été accordée aux interventions des «officiels » et des « institutionnels » relevant pratiquement de leur tutelle ou de leurs réseaux. Sur le principe, on ne peut que souscrire au fait que ces voix-là puissent s'exprimer, elles aussi ; sauf à objecter que l'on devait également prévoir que les points de vue et les positions des opérateurs aient le même droit-et le même temps- à la parole. Comment ne pas souligner à cet égard que la nouvelle fédération de l'industrie hôtelière n'ait guère eu la possibilité de présenter ses vues, ses projets et ses inquiétudes ?
Situation d'autant plus singulière que le message royal adressé à ces Assises soulignait que la nouvelle politique devait « également être soutenue par des initiatives promotionnelles entreprises par les professionnels privés dont les associations doivent désormais s'impliquer davantage que par le passé ».
Autre ambiguïté : comment s'accommoder sans réagir au silence assourdissant qui a entouré le bilan d'étape des trois années écoulées depuis l'Accord-cadre de janvier 2001 ? Comment expliquer que ces IV èmes Assises aient veillé avec un soin particulier à ne pas revenir sur ce qui avait été décidé et validé constamment ?
A telle enseigne qu'aucune évaluation n'a été faite sur des dossiers lourds pourtant bien pesants et bien présents dans la « feuille de route» stratégique couvrant la présente décennie. Ainsi bien des incertitudes et des freins- pour ne pas parler de blocages- continuent à entourer des questions de fond comme celles du régime incitatif de l'investissement, du statut de l'entreprise touristique, appréhendée dans ses multiples secteurs d'activités, de l'adéquation et de la promotion de la formation ou, plus globalement, des conditions de la faisabilité du Programme d'action.
Une dernière ambiguïté marque l'agenda actuel.
Des objectifs globaux ont été fixés par S.M. Mohammed VI lors de la présentation de la « Vision 2010 ». Il s'agit, rappelons –le, de 10 millions de visiteurs internationaux-dont 7 millions de touristes étrangers de séjour en hôtels classés, de 80.000 chambres (soit une capacité additionnelle de 160.000 lits) et d'investissements à hauteur de 30 milliards de dh dans le seul secteur hôtelier, la croissance devant soutenir ce développement se situant annuellement autour de 8,5%.
En ce début 2004, soit pratiquement au tiers de la décennie, bien du retard a été accusé dans tous les domaines concernés. Depuis plus d'un an déjà, le ministre du Tourisme expliquait que même si l'on ne réalisait que 40% des objectifs fixés c'était bien car l'important réside dans la dynamique mise en œuvre…
Un tel état d'esprit n'est guère mobilisateur, il faut bien en convenir : il fait sienne, cette posture marquée du sceau de l'indolence et de l'inexpérience qui a conduit depuis des décennies à la situation qu'a connue l'industrie du tourisme et dont les investisseurs marocains font encore les frais !
Et dire qu'aucune voix ne s'est élevée pour rappeler que la « Vision 2010 » n'était pas une perspective conjecturale mais qu'elle avait force d'une ardente obligation imposée à tous. Faut-il le proclamer de nouveau : nous sommes tenus par une obligation de résultats et non par une obligation de bonne volonté ! Voilà pourquoi le nouvel avatar qui consiste à reporter, sans autre forme de procès, l'échéance 2010 à 2012/2013 n'est ni recevable ni plaidable. Bien sûr dans toute œuvre humaine il y a des aléas mais devant tant d'improvisations et d'ambiguïté force est de constater que des desseins touristiques légitimes du Royaume sont en danger de non-réalisation par la faute de ceux-là mêmes qui sont censés aider à les concrétiser. Se doutent-ils au moins du poids de la responsabilité qu'implique la prise unilatérale de décisions qui engagent l'avenir de toute notre économie ?
Le seul dossier qui ait fait l'objet d'une présentation détaillée lors des Assises de Casablanca avait trait au transport aérien. En substance, l'option qui a été retenue par le département du Transport est celle de la libéralisation cadrée et de la création d'un pôle marocain concentré.
La compagnie nationale compte désormais se focaliser sur le régulier traditionnel. Cette démarche sera accompagnée par la création d'un nouvel acteur – une S.A. à 100% RAM- spécialisée dans la desserte de destinations touristiques. Un avenant au contrat-programme Etat/RAM a été d'ailleurs signé dans ce sens le 10 février courant en l'absence de la CGEM/Tourisme, pourtant partie prenante. Il reste à savoir si cette nouvelle filiale -une hirondelle- fera-t-elle le printemps tant attendu dans le ciel de la libéralisation?
Ce que la société-mère n'a pas réussi depuis des décennies, sa société filiale peut-elle le réussir ? Il faut ardemment l'espérer mais en attendant le ciel de la Malaisie est en fête avec plus de 480 compagnies charters et régulières qui l'animent. Gagner le pari de l'échéance 2010 : telle est l'ultime invitation faite par S.M.Mohammed VI aux participants des Assises de Casablanca.
Cela implique- comme l'a souligné le Souverain dans son message – le seul moment fort des Assises : «l'évaluation critique tant des points de succès que des difficultés rencontrées, l'origine de celles-ci et la meilleure méthode de les surmonter».
Les Assises qui viennent de se dérouler ont-elles répondu à cette attente ? Ce ne serait, me semble-t-il, ni sérieux ni responsable d'y répondre par l'affirmative. Est-on en mesure de réformer notre méthodologie? Ou bien devons-nous, comme par le passé, subir une sorte de fatalité de l'échec que nous semblons hélas porter comme un boulet, semblable à l'homme du mont de Sisyphe, condamné à faire devant l'Eternel le même va et vient infini.
• Par Abdelhadi Alami


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