Les IVèmes Assises nationales du tourisme sont prévues les 12 et 13 février courant à Casablanca. Que faut-il en attendre, en particulier pour ce qui est du transport aérien ? Le département de l'Equipement et du Transport se limite, pour l'heure à des indications plutôt modestes : est-ce pour donner plus relief à ce qu'il va annoncer lors de ces assises ? Ou bien parce qu'il n'a pas autre chose à mettre en avant ? On finira bien par le savoir dans une dizaine de jours. En tous cas, selon les informations qu'il a communiquées publiquement, il y aurait des mesures concrètes dans l'air, serait-on tenté de dire : processus de libéralisation du ciel, conversion de l'évolution du nombre de lits hôteliers en besoins de sièges d'avion, établissement de cartes du ciel par marché, prise en compte des progrès des capacités hôtelières du pays en fonction de la demande d'ouverture de lignes des compagnies aériennes. Bref, serait édictée et mise en œuvre toute une panoplie de mesures, articulée sur un cahier des charges précis et sur les moyens de financement adéquat. Il serait même question d'une première brèche – déjà entamée ?- dans les murs de soutènement de la « forteresse RAM » avec un nouveau type de relations entre la compagnie nationale et son département de tutelle puisque les « slots » horaires de décollage et d'atterrissage des avions seraient déterminés par un comité présidé par la direction de l'aviation civile et non plus par la seule RAM. Pour significatives et encourageantes qu'elles puissent être, de telles mesures ne doivent point masquer l'essentiel : quelle politique globale de réforme et de promotion de transport aérien compte-on définir et appliquer dans le cadre de la « Vision 2010 » du tourisme? Que de nombreux facteurs comme la fiscalité lourde et inadaptée ou une stratégie foncière erratique aient fortement contribué à mettre le tourisme marocain à la traîne, voilà qui n'est guère contestable ; qu'une succession de politiques et de conjonctures empiriques aient également pesé dans ce sens est admis de tous ; mais comment évacuer aussi une totale absence d'une vision conséquente d'une stratégie appropriée du transport aérien ? Aujourd'hui, force est de relever que si quelques avancées ont été enregistrées, ici et là, notamment dans le domaine de la fiscalité et du foncier, tel n'est pas le cas dans le domaine du transport aérien : le blocage paraît bien y prévaloir du fait de « résistances» d'arrière-garde. Or, c'est à ce grand chantier qu'il convient de s'atteler de manière opératoire. Et les Assises de Casablanca seront, quoi qu'on dise, un échec, si elles ne se traduisent pas concrètement par des engagements précis dans ce domaine. D'ici 2010, le Maroc se propose de passer de 5,8 à 15,6 millions de passagers ainsi que le doublement des rotations ; tel est en tout cas l'objectif global consigné dans l'Accord-cadre. Mais comment réaliser cette ambition-là ? De quelle manière peut-on espérer en effet hisser le transport aérien desservant le Maroc au niveau des flux de touristes potentiellement visés ? Le débat est souvent faussé parce que l'on tente d'éviter cette question de principe : doit-on s'engager résolument dans la libéralisation et signifier alors à la RAM – qui peut-être n'attend que cela pour sortir d'une longue période d'ambiguïté et d'incertitude – qu'elle doit s'insérer dans ce processus ? Ou bien doit-on s'obstiner – par frilosité et par rigidité – à continuer comme par le passé, à combiner le laisser-faire et les compromis bien hasardeux ? Les faux-semblants ne sont plus de mise : la clarté et la responsabilité doivent s'imposer à l'évidence. Les opérateurs et les investisseurs touristiques ne sauraient se contenter de demi-mesures : ils attendent du gouvernement une politique conséquente de libéralisation de tout le ciel marocain, bénéficiant tant aux transporteurs nationaux qu'étrangers, sans aucune discrimination, tournant le dos aux rentes du monopole du passé. Annoncer que cette réforme se fera à travers les accords bilatéraux que le Maroc a – ou aura – avec d'autres pays, c'est se payer de mots et reporter une nouvelle fois les mesures qui s'imposent alors que tant d'espoirs sont nés à cet égard du fait de la « Vision 2010 ». A qui fera-t-on croire que notre pays a les moyens d'imposer sa compagnie nationale à des Etats industriels puissants. Comment donner du crédit à cette règle de la réciprocité que l'on nous met en avant alors que, par exemple on ne l'applique pas en matière de visas ? Et si on ne la fait pas jouer en l'espèce c'est pour une raison bien simple : le Maroc a plus besoin de touristes que nos partenaires aériens étrangers n'ont besoin des services et de la logistique de la RAM. Personne ne peut contester le rôle pionnier de la RAM ni ses efforts actuels, réalisés dans un contexte national et international politiquement et économiquement instable. Mais il est un argument que nous devons cesser d'invoquer à tort et à travers, à savoir l'association de notre souverainté nationale au sort économique d'une société anonyme. La souverainté économique du Royaume se gagne au sol et non pas dans les airs. Elle est synonyme de maîtrise du chômage et de création de richesse. Les Etats-Unis n'ont pas versé la moindre larme à la suite de la disparition de la PANAM et de la TWA. Pourtant, il s'agissait de groupes géants et de symboles forts de la puissance américaine. Et puis les Marocains ont-ils été traumatisés quand nous avons mis la distribution de l'eau – cette denrée autrement plus vitale – entre les mains de Lydec ou encore lorsque notre télécommunication a été octroyée à des tiers étrangers ? Absolument pas. Le débat sur la RAM doit donc être poursuivi dans la sérénité et en étroite collaboration avec la CGEM/Tourisme à qui on ne doit plus faire de « cachotterie » comme celle toute récente à propos de l'étude Mc Kinsey et du référentiel sur les droits et obligations des opérateurs. Le ministère de l'Equipement et des Transports ainsi que celui du Tourisme gagneront certainement en efficacité en associant régulièrement les énergies privées, s'ils souhaitent réellement éviter que leurs discours ne soit pas appréhendés comme une série d'effets d'annonces politiques sans lendemain. • Par Abdelhadi Alami Opérateur économique