L'Ecole nationale d'architecture (ENA), l'établissement qui forme les concepteurs du bâti et du paysage urbain, présente de graves lézardes. L'Ecole nationale d'architecture (ENA), l'établissement qui forme les concepteurs du bâti et du paysage urbain, présente de graves lézardes. L'établissement vit en effet une querelle qui, au-delà des différences de styles des protagonistes, revêt un caractère de gravité qui menace les fondements même de l'édifice académique. Entre le directeur El Mountassir Bensaïd et un groupe de professeurs statutaires, la différence de perception du rôle et du devenir de l'école est telle que les cours s'enrayent et que les examens de contrôle menacent d'avorter. Comme un semblable cas de bras de fer qui dure, ce sont les autres -les étudiants– qui paient la fracture. Mais pas seulement, affirment tous ceux que la situation révolte. Nominalement les choses ont démarré au mois de décembre quand une douzaine de «professeurs statutaires» totalisant chacun plus de dix ans d'ancienneté ont envoyé un communiqué à la presse. Ils y affirment que la gestion du directeur Bensaïd, qu'ils qualifient de personnalisée, d'autoritaire et de dénuée de vision prospective, a amené l'ENA au bord du gouffre. Dans l'indifférence générale, estiment-ils. Daté du 22 décembre dernier, le document dit que depuis l'arrivée de la nouvelle direction, les dysfonctionnements ont fleuri si fort que leurs «répercussions sur les plans administratif, pédagogique, scientifique et institutionnel risqueraient de mener l'école vers l'impasse». En fait, ce sabordage annoncé est si bien avancé qu'aussi bien les contestataires que la direction s'en émeuvent. Les signataires du communiqué font état d'une gestion dont les conséquences affectent la marche de l'enseignement, celle des départements, des commissions, du recrutement… Tout cela, ajoutent-ils, au mépris de la loi et des instances de cogestion qu'elle a prévues au sein de l'école. Parmi ces instances, «le conseil d'établissement censé réguler, collégialement, comme le stipule la loi 01.00, la vie institutionnelle, académique et règlementaire de l'école». Pour la direction toutes ces allégations ne sont que fantaisie. Les instances internes sont étroitement associées à la marche de l'établissement. Et, l'inflexion imprimée à l'orientation de l'école en a fait un des foyers artistiques et techniques les plus en vue dans la région. Bensaïd affirme qu'en œuvrant à réhabiliter la vocation originelle de l'école, en la réconciliant avec sa mission de «centre d'enseignement scientifique de l'art de concevoir le bâti esthétique» et donc en privilégiant l'académique sur l'idéologique par épuration des cours de leurs scories de commentaires débridés –ce qu'affectionnait la vieille garde–, il a donné une stature internationale à l'ENA dont la réputation aurait gagné le continent américain après avoir séduit l'Europe. Une réputation méritée, à son avis. L'école où n'exerçaient qu'une dizaine d'enseignants en compte aujourd'hui une trentaine de permanents et une centaine de vacataires qui y dispensent leurs cours en même temps que dans ses deux annexes de Fès et de Tétouan. Mieux, certains de ses étudiants glanent les lauriers de la gloire sur les arènes de la créativité un peu partout dans le monde. Alors, affirme-t-il, tout cela dérange. Et selon lui cela dérange d'autant plus que derrière ces apparences il y a la volonté d'embrigader de jeunes architectes lauréats de l'école pour en faire les servants d'un objectif obscur. En clair, dit le directeur de l'ENA, pour employer ces jeunes au service d'un objectif lié à l'autorité de l'architecte et à sa position de personnage central à l'échelon territorial doté du pouvoir de délivrer les permis de construire dans la commune… Quand on sait par ailleurs que les élections locales ne sont pas loin et qu'à plus long terme la régionalisation avancée progresse… on souhaite qu'à l'ENA les choses reprennent leur cours normal, conclut-il.