ALM : Les travaux des 3èmes Assises de la concurrence sont lancés. Quelle est la spécificité de cette édition ? Abdelali Benamour : Ces Assises interviennent dans une conjoncture marquée par la consécration constitutionnelle du principe de libre concurrence et du Conseil en tant qu'institution indépendante de bonne gouvernance et de régulation. La spécificité apparaît à travers la nature du thème choisi qui concerne la rente, un phénomène aux dimensions socio-économiques pouvant entraver la bonne gouvernance économique. En effet, les défis du développement socio-économique exigent l'encouragement de l'innovation, de la créativité et de la concurrence ainsi que la lutte contre les rentes injustifiées. Pourquoi le recours au plaidoyer ? Les autorités de la concurrence de par le monde disposent généralement de deux moyens d'action pour assurer le respect des règles de la concurrence et lutter contre les situations de rentes injustifiées. Elles jouissent de compétences exécutives avec la possibilité de prendre des sanctions contre les entreprises en cas de nécessité. Toutefois, les rentes injustifiées peuvent découler de l'action des pouvoirs publics à travers les autorisations et licences d'exercice d'activités économiques, les aides d'Etat et l'attribution des marchés publics. Dans ce cas, les autorités de la concurrence, n'ayant pas la possibilité d'édicter des sanctions contre les pouvoirs publics, recourent à la possibilité du plaidoyer pour attirer l'attention sur les distorsions de la concurrence et proposer des solutions, en engageant un débat public et transparent sur ces questions. Le Conseil perçoit son action à travers la complémentarité entre ses attributions exécutives et celles de plaidoyer, ce qui a été consacré au niveau des dispositions du projet de loi réformant la loi 06-99 déposé auprès du secrétariat général du gouvernement. Que veut-on dire par rente justifiée et rente indue ? Les rentes apparaissent comme tout type de privilège ou avantage accordé ou acquis par des opérateurs économiques. Au niveau de la législation marocaine, les rentes issues du comportement des opérateurs économiques ne peuvent être justifiées que si elles sont de nature à contribuer au progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits et services en cause. Ces pratiques ne doivent imposer des restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès. Le Conseil pourrait examiner les rentes générées par l'action des pouvoirs publics par le biais des compétences du plaidoyer dont il dispose. Les deux types de rente ont en fait un impact anticoncurrentiel, mais la question est dès lors la suivante : Dans quelles conditions structurelles et conjoncturelles peut-on justifier certaines rentes ? Durant ces Assises, nous tenterons d'apporter des éclairages à plusieurs questions sachant que la Constitution a conféré au Conseil des attributions très élargies qui englobent, également, des missions relatives à l'analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, au contrôle des pratiques commerciales déloyales et des monopoles. Que recommandez-vous au nouveau gouvernement ? Le nouveau gouvernement a la grande responsabilité de réformer le tissu socio-économique. Parmi les autres déterminantes à entreprendre, nous plaçons celle qui consiste à renforcer les données d'une économie compétitive, efficiente et éthique. Nous espérons donc aboutir dans les plus brefs délais à la réforme du statut du Conseil, réforme que nous avons soumise au SGG. Quel rôle joue l'Etat dans la constitution d'un espace concurrentiel compétitif ? Le rôle de l'Etat est central dans la mesure où il dispose d'abord de l'initiative des textes législatifs et réglementaires permettant l'adoption d'un cade juridique favorable à la concurrence et garantissant la mise en place d'une autorité indépendante de régulation de la concurrence dotée de tous les outils et moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions notamment en ce qui concerne le pouvoir décisionnaire, la possibilité d'autosaisine et le pouvoir d'enquête. Le rôle de l'Etat apparaît également à travers l'adoption d'une politique de la concurrence claire orientée vers l'encouragement de l'innovation, de la créativité et de l'éthique dans les affaires.