Décision de la CJUE : Etats et eurodéputés soutiennent le partenariat avec le Maroc    Arrêts de la CJUE : Le Polisario salue une «victoire historique»    Le Maroc n'est «aucunement concerné par la décision» de la CJUE    Diaspo #357 : Tariq El Kahodi, la vision qui prend le dessus sur la vue    HCP : Ahmed Lahlimi expose les résultats du Recensement général de la population et de l'habitat (RGPH 2024)    Banque mondiale : Le Maroc leader en réglementation, malgré les défis de fiscalité    Maroc : Le 1er Rabii II 1446 (AH) correspond à samedi 5 octobre 2024    Maroc : Averses orageuses, grêle et rafales de vent ce dimanche    CJEU ruling : Hungary reaffirms support for EU-Morocco partnership    Polisario welcomes ECJ rulings, criticizes European states    L'actrice Naima Lamcharki tire sa révérence    IFC et CDG Invest boostent la croissance en Afrique de Retail Holding    Affaire "Escobar du Sahara" : la défense de Naciri demande la convocation d'Aït Menna et d'autres    Compétitivité : le Royaume-Uni part à la conquête des investisseurs    Turquie : l'inflation a ralenti à 49,38% sur un an    UNICEF: 250.000 enfants souffrent d'une crise alimentaire sévère au Tchad    Accords de pêche: La Belgique réitère son attachement au partenariat Maroc-UE    Niqab à l'école, faut-il l'interdire ?    CHAN 2025 : une édition particulièrement compétitive    Les Dacia Sandriders prêtes pour leur première aventure au Maroc    Décision de la CJUE. La Hongrie tient au partenariat stratégique UE-Maroc    Décision CJUE : la prompte réaction européenne pour préserver les liens avec le Maroc    Migration : 2e examen régional du Pacte de Marrakech, les 9 et 10 octobre    Sit-in des étudiants en médecine : un nouveau cri contre la réduction de la durée des études    Nouvelles règles anti-déforestation : mise en œuvre reportée au niveau de l'UE    Le Maroc n'est pas dans les BRICS, mais son caftan y est    La 13ème édition de la Rencontre des amateurs de la musique andalouse du 10 au 13 octobre    L'actrice Naïma Lamcharki tire sa révérence    Signature à Rabat d'une convention de partenariat entre le Comité national de la musique et l'Académie des beaux-arts de Fujairah    La scène artistique marocaine en deuil : Naïma Lamcharki n'est plus    Christophe Lecourtier : «Le Maroc et la France, un tandem capable de parler à l'Afrique, à l'Europe et au monde de la manière la plus exemplaire possible pour montrer la voie»    Commune de Tanger : Un budget de 1,16 milliards de DH arrêté pour 2025    Lutte contre les bidonvilles : Remise des clés d'appartements aux premiers bénéficiaires à Casablanca    La météo de ce samedi 5 octobre    Revue de presse de ce samedi 5 octobre 2024    Liban : les Casques bleus de l'ONU maintiennent le cap malgré l'escalade des hostilités    Fès-Meknès: Mise en service de 30 centres modernes de santé    Le ministre espagnol des Affaires étrangères réagit rapidement aux décisions de la Cour de justice de l'Union européenne et renouvelle le soutien de l'Espagne à la souveraineté du Maroc sur son Sahara    L'approche du double questionnaire a permis de réduire le coût du RGPH de 453 millions de dirhams    Maroc-OTAN: Le Souverain félicite Mark Rutte suite à sa nomination au poste de Secrétaire général    La Recherche Scientifique : Etat des Lieux au Maroc et à l'Etranger, avec un Focus sur les Investissements    Salon du Cheval. Tbourida : Un canon d'énergie et de tradition    L'Institut français dévoile sa nouvelle programmation culturelle    Eliminatoires CAN 2025. Walid Regragui dévoile sa liste    Foot: des règles de la Fifa encadrant les transferts de joueurs jugées "contraires au droit" de l'UE    Foot féminin: le Mondial U17 Maroc-2025 aura lieu du 17 octobre au 8 novembre 2025    Une génération sans tabac pourrait éviter plus d'un million de décès dus au cancer    Mondial de Futsal: L'Argentine bat la France et file en finale    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Extraits du dernier roman de Karim Nasseri (1)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 06 - 02 - 2004

Karim Nasseri fait partie de la jeune génération d'écrivains marocains de langue française. Ses précédents romans “Chronique d'un enfant du hammam“ et “Noces et funérailles“, publiés chez Denoël, l'ont imposé parmi les meilleurs jeunes écrivains marocains. Il vient de terminer un troisième roman. Il en a livré, à titre exclusif, deux extraits à ALM.
Les voisins commencèrent à allumer leurs lumières et à se pencher qui de sa fenêtre qui de son balcon pour assister au massacre. Saad voulait en finir avec sa femme. Il était décidé à la tuer. Il était complètement saoul mais arrivait encore à tenir sur ses pieds. «C'est ce soir que je sauve mon honneur », criait-il. « J'ai trop fermé l'œil. Je n'en peux plus de courber le dos et de laisser passer les tempêtes. Ce soir je fais face à tous les défis.» Et traînant sa femme par terre comme un vieux chiffon, Sâad de continuer : « Tu n'es qu'une pute à rabais. Une traînée. Une bâtarde à deux sous. Tu n'as jamais su fermer ta fente. Le premier venu se soulage sur ton bas-ventre. ».
Il commença à lui cogner la tête contre le mur, à lui arracher des touffes de cheveux et à lui donner des coups de pieds sur les reins et le visage. Pendant ce temps, les voisins, contemplaient le beau travail de l'ivrogne sans broncher. J'avais beau boucher mes oreilles avec du coton et mettre l'oreiller sur ma tête, les gémissements, de plus en plus sourds, de la pauvre Najat me fondaient le cœur.
Quand, finalement, maman Zoubida décida d'appeler la police, une voix grave, de quelqu'un qu'on venait de réveiller d'un sommeil profond, lui répondit que la police ne se déplace que si la victime est ensanglantée. J'entendais la maquerelle lui répondre que la victime est à l'agonie et que son agresseur est son propre mari qui est dans un état de violence sans limites. L'agent s'emporta et répondit à nouveau que la police ne se déplace que s'il y a du sang.
Maman Zoubida lui répliqua dans une colère noire : « au lieu de protéger et de servir le peuple, vous le torturez et le rackettez. Vous vous croyez protégés à jamais. Mais votre heure viendra un jour et vous le regretterez. Voulez-vous que j'aille vérifier si mon voisin avait bien planté son couteau dans le ventre, le cou ou le dos de sa femme pendant que vous dormez derrière votre bureau ? Voulez-vous être sûr que le sang de la pauvre femme a bien éclaboussé le visage de son mari et les murs de leur maison pour daigner bouger votre gros cul de flic corrompu ? ». Maman Zoubida, hors d'elle, avait fini par raccrocher son combiné.
Serrant ma tête entre mes jambes et fermant mes oreilles avec mes petits doigts, tremblant de peur et claquant des dents, j'avais dû passer ma nuit à prier un Dieu sourd et des Saints aveugles de guider mes pas vers un salut.
L'aube n'avait pas encore pointé son nez quand maman Zoubida mit sa djellaba terne, son fichu blanc et ses sandales en caoutchouc. Tout en me versant un reste de café froid, la tenancière me somma de me dépêcher : « Avale ton café pour m'accompagner. Je dois faire une course importante dans un faubourg pauvre et lointain. Tu mets tes vieux vêtements et ces bottes usées. Nous ne devons pas attirer l'attention des habitants de Ben Msîk. Il faudrait passer inaperçus. Ils n'aiment pas les intrus. »
Nous prîmes deux bus, un taxi puis nous marchâmes presque une heure pour atteindre un gigantesque campement de logis de fortune. Tôle, bois, zinc, cartons, bouts de plastique, plaques de fer, bâches usées, troncs d'arbre et planches de bois subtilisés et portières de voitures récupérées. Tout était bon pour construire un taudis. Sans eau courante ni électricité ; sans routes ni égouts ; le baraquement infesté de toutes sortes de moustiques et de reptiles grouillait d'hommes, de femmes, d'enfants maladifs et de chiens galeux. Jamais de ma petite vie, je n'aurais cru que la misère marocaine avait atteint un tel degré si mon destin maudit ne m'avait pas jeté dans cette prison à ciel ouvert. J'avais déjà vu, senti et même palpé la peine des gens à vivre dignement mais jamais au stade des habitants de l'enfer de Beni-Msik. Des jeunes garçons désœuvrés assis sur des cartons et fumant des joints ou sirotant du thé dans des verres ébréchés nous dévisagèrent de la tête au pied. Je sentis leur regard haineux transpercer mon cœur et me tétaniser. Une peur bleue me terrassa. Mes petites jambes défaillirent et je manquais tomber. Je pris la main de maman Zoubida, la serra très fort et baissai la tête. La tenancière, elle, avançait avec assurance comme dans un terrain connu. Des montagnes de détritus jonchaient le sol, les eaux usées formaient des marécages entre les allées étroites et, par endroit, des orties se dressaient en maîtres des lieux. Des petits enfants, garçons et filles, aux corps rachitiques et aux nez et aux yeux coulants, des bouteilles en plastique dans les mains, se battaient dans un attroupement sauvage devant un mince filet d'eau pissant d'un tuyau métallique rouillé.
Par Karim Nasseri
Ecrivain


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.