C'est le titre du livre qu'a écrit le journaliste Eric Laurent à partir d'un certain nombre d'entretiens avec feu Hassan II. Mais ici, j'aimerais utiliser ce titre pour parler du peuple marocain et de sa légendaire modération. En effet, ce peuple a quasiment toujours, quand cela a été possible, préféré les solutions pacifiques aux confrontations directes. Regardez, par exemple, l'interprétation marocaine de ce que l'on appelle désormais le printemps arabe. Alors que des centaines de morts tombent chaque jour dans d'autres pays arabes, au Maroc, une négociation difficile certes, mais constructive, a lieu entre le peuple et ses dirigeants dans une paix quasi-totale. Le Maroc est constitué, depuis plusieurs siècles, d'une population multicolore et multiculturelle qui, sans une solide tradition de modération dans tous ses comportements, n'aurait jamais réussi à cohabiter en paix comme cela a été le cas. «On peut être modéré avec des opinions extrêmes.», disait Louis de Bonald, homme politique, philosophe et essayiste politique français (1754-1840). La modération est le résultat, d'après mon humble analyse, d'un peu de peur justifiée, d'un peu d'espoir bien légitime et de beaucoup de sagesse. La modération dont ont fait preuve, et le font encore les Marocains actuellement, me pousse à me demander si le proverbe suivant, que l'on attribue aux Turcs, n'est pas plutôt marocain «Les choses ne vont jamais assez bien pour ne pas s'inquiéter, et jamais assez mal pour ne plus avoir d'espoir !» Mais ce qui m'attriste le plus en ce moment, et m'inquiète surtout, c'est ce conflit qui a éclaté dernièrement entre la maison de vente aux enchères Mémoarts et la Fondation Karim Bennani pour l'art et la culture –ou est-ce peut-être entre les personnes de M. Saïdi et M. Bennani? Dans cette histoire, Monsieur Bennani aurait certifié l'authenticité de plusieurs œuvres de Gharbaoui, soupçonnées d'être fausses par Mémoarts. Je ne sais pas qui a raison et qui a tort, mais ce qui se passe risque de nuire gravement à cet art, encore très jeune et donc fragile, qui se développe dans notre pays. C'est à la fois accablant et dangereux d'en arriver aux tribunaux! Dans cette affaire, il n'y a pas de gagnant, juste des perdants en plus de tout l'art marocain et sa crédibilité. A mon avis, il faudrait que les deux parties résolvent ce problème à l'amiable car les gens gagnent plus par l'amitié et la modération que par la confrontation. «L'homme n'est riche que de la modération de ses désirs» Louis de Bonald. D'un autre côté, je pense qu'il est donc temps de passer à la vitesse supérieure en termes d'expertise en œuvres d'art. On ne peut plus se fier aux seules capacités d'observation d'êtres humains, aussi compétents soient-ils! Il existe aujourd'hui, comme je l'ai précisé il y a quelque temps, des moyens techniques et scientifiques à la fois abordables et très efficaces pour assister nos experts dans leurs prises de décisions. Sauvons l'art marocain !