Dimanche 20 février, des milliers de citoyens marocains ont manifesté dans plusieurs villes du Royaume pour réclamer des réformes sociales, économiques et politiques. «Le peuple demande le changement», «Non à la spoliation des richesses du pays», «Santé détériorée, enseignement en crise, des prix en hausse et des emplois introuvables», «Liberté, dignité, justice». Ce sont-là quelques exemples des slogans scandés par les manifestants à la Place Mohammed V à Casablanca. Des milliers de personnes ont manifesté ce jour-là en réponse à l'appel du Mouvement des jeunes sur le réseau social Facebook. Des citoyens sont descendus dans la rue pour faire savoir leurs revendications d'ordre politique et socio-économique. Appartenant à divers courants idéologiques, les manifestants ont scandé des slogans réclamant des réformes à tous les niveaux. A Casablanca, la manifestation a débuté vers 10 h. Deux heures plus tard, des centaines de manifestants de différentes sensibilités se sont rassemblés sur la place, en plus des curieux qui se tenaient aux alentours de la manifestation. Des groupuscules de gauchistes, islamistes, militants de la cause amazighe et militants des droits de l'Homme se tenaient séparément en cercle, scandant des slogans pour une justice sociale et une répartition équitable des richesses. Ceci dit, les manifestants ont fait entendre leurs revendications de manière pacifique. Ainsi, aucun incident n'a été enregistré. «Nous voulons que notre voix parvienne en premier lieu à SM le Roi Mohammed VI. Le Souverain déploie toujours des efforts considérables pour le bien de ce pays. En effet, toutes les réformes et les projets de développement ont été initiés par son soin depuis son intronisation. Mais, il y a plusieurs personnes qui n'ont rien fait. Elles n'accomplissent pas la mission qui leur est assignée. Nous voulons, donc, que ces gens partent et que leurs postes soient octroyés à des personnes compétentes et responsables», précise Afia Saber, actrice associative, dans une déclaration à ALM. «En arborant les photos de SM le Roi, nous tenons à exprimer une profonde conviction, c'est que nous sommes tous mobilisés derrière le Souverain. Le Maroc est un pays de paix et de sécurité. Nous sommes venus ici pour exprimer nos revendications de manière civilisée et pacifique. Nous rejetons catégoriquement le vandalisme et l'usage de la violence», ajoute-t-elle. Pas trop loin de Mme Saber, une jeune fille âgée de 17 ans, sympathisant avec le PSU, tenant d'une main une fleur et de l'autre une pancarte portant le slogan «Non à la spoliation des richesses du pays». «On demande à ce qu'il y ait moins de différence entre les classes riches et celles pauvres. Nous voulons que tous les citoyens aient accès à un niveau de vie convenable. On n'est pas anti-monarchique, mais on demande que le système soit plus démocratique», a-t-elle dit. À Casablanca, l'Haja Khadija n'a pas voulu rater ce rendez-vous. Accompagnée de son petit-fils de 5 ans, elle est venue à la Place Mohammed V pour faire entendre sa voix : «Abbas El Fassi touche un salaire énorme, mais non mérité. J'avais 4 ans quand le Maroc a eu son indépendance. Depuis, malheureusement, je n'ai pas vu l'indépendance mais que de l'exploitation. La famille El Fassi s'accapare les richesses de notre pays. Des milliers de Marocains sont au chômage. Il est temps d'instaurer une justice sociale pour tous». Vers 14 h, le rassemblement s'est transformé pratiquement en tribune libre. Des manifestants s'exprimaient, à tour de rôle, à l'aide d'un haut-parleur. Un membre de la Coordination des jeunes du 20 février, affilié Al Adl Wal Ihssane, a affirmé à ALM qu'il a été décidé de maintenir la manifestation jusqu'à 19 h. A noter que certaines personnes ont profité de l'organisation de la manifestation pour réaliser de bonnes affaires. Parmi ces derniers, Salah, un jeune Casablancais, qui vendait aux manifestants des drapeaux marocains. «J'achète les drapeaux à 15 DH et je les revends à 20 DH. Le fait que ma marchandise connaît une affluence importante lors de cette manifestation montre que les citoyens sont attachés fermement à leur marocanité», a-t-il affirmé. Sur place, le préfet de police de la ville de Casablanca, Mustapha Mouzouni, n'a pas hésité à s'adresser directement aux manifestants leur demandant de préserver l'ordre public et d'exprimer leurs revendications de manière pacifique. «Nous voulons donner une image honorable du Maroc. Veuillez manifester de manière civilisée», demandait-il aux manifestants. Dans les autres villes du Royaume, la situation n'a pas été très différente. A Rabat, environ 200 personnes se sont rassemblées, peu après 10 h, à la Place Bab El Had. Le nombre des manifestants dans la capitale a par la suite augmenté pour atteindre 2.000, selon les organisateurs cités par la MAP. A Laâyoune, notre correspondant a constaté que le mouvement de protestation était très limité. En effet, la Confédération démocratique du travail (CDT) a organisé une manifestation devant son siège situé au quartier Oum Saâd en présence d'un groupe de moins de 50 personnes composé essentiellement de syndicalistes et militants des droits de l'Homme. La manifestation a duré une heure et demie et durant laquelle les participants ont scandé des slogans portant sur des revendications sociales et syndicales. A Oujda, notre correspondant a indiqué que quelque 5.000 manifestants ont participé à la marche. Une marche qui a débuté à la Place historique du 16 Août 1952 qui a déclenché la révolution du Roi et du peuple contre la présence coloniale. La même place a regroupé ces jeunes en présence d'autres organismes et associations. C'est le cas de l'Association des diplômés chômeurs, section d'Oujda, de l'AMDH, certaines fractions de l'Union nationale des étudiants marocains, l'Association régionale de lutte contre la cherté de la vie ainsi qu'un parlementaire du PJD, Aziz Aftati, en plus des responsables politiques locaux, à titre personnel, notamment ceux du PJD. Les participants qui se sont regroupés vers 9h30 à la Place du 16 Août, se sont dirigés par la suite au siège de la wilaya de l'Oriental et ont scandé des slogans comme «Les jeunes veulent travailler», «Pour un partage équitable des richesses du pays», «Le peuple veut le changement», «Oui pour la dignité et la liberté», «Non pour l'humiliation», «Pour de bons services en santé, en enseignement et en habitats», etc. Les participants qui ont réussi à organiser cette marche dans un ordre parfait, se sont réjouis de l'absence totale de la présence policière. D'ailleurs, tous les alentours de la Place 16 Août ainsi que le boulevard Mohammed V étaient vacants de toute présence policière en uniforme. Cela a permis aux manifestants d'exprimer leurs revendications, sous une pluie ascendante, pour plus de deux heures avant de se disperser dans un ordre total, selon notre correspondant sur place. A Tanger, la Place Béni Makada, en face du célèbre cinéma Tarik, a commencé à accueillir, selon notre correspondante, depuis 10 h du matin, les premiers manifestants. Ce rassemblement, qui s'est distingué par la présence d'un grand nombre de jeunes Tangérois, a connu la participation des affiliés des partis de gauche (Annahj Addimocrati, le Parti de la gauche socialiste unifiée), des syndicalistes de l'UMT et de la CDT, quelques partisans d'Al Adl Wal Ihssane, des représentants de l'AMDH ainsi que des membres de l'Association des chômeurs et du mouvement d'Attac de Tanger. Notons que les participants à ce rassemblement de la Place Béni Makada, qui ont atteint vers midi quelques centaines, ont scandé des slogans contre la cherté de la vie dont celle de la facture d'eau et d'électricité et du transport public. Ils ont quitté quelque temps après ladite place en s'organisant en une marche pacifique, qui a emprunté les principales avenues de la ville de Tanger. Les participants à cette marche se sont rassemblés avec quelque 200 autres manifestants à la célèbre place des Nations, où ils ont exprimé leur protestation contre quelques pratiques des responsables et la cherté de la vie. Par ailleurs, à Beni Mellal, la coordination locale des Forces progressistes, politiques, syndicales et associatives a organisé une marche pacifique, dimanche à la Place Massira et sur le boulevard Mohammed V, jusqu'à la Fontaine se trouvant sur la route de Marrakech. Au début, vers 10 h, les participants à cette marche n'étaient pas nombreux. Mais vers 11h30, leur nombre a atteint 3000 environ. Arborant des banderoles, les protestataires scandaient des slogans portant sur le droit au travail, la dignité des citoyens, la démocratie au Maroc. Mais aucun acte de violence n'a été enregistré lors de cette marche, selon notre correspondant à Béni Mellal. Les partis politiques boycottent la marche du 20 février Le PAM a réaffirmé, samedi, sa non adhésion aux manifestations prévues dimanche, en raison du fait que certaines parties tentent de les exploiter à des fins politiques pour servir un agenda qui n'est pas clair et non annoncé. Le PJD a annoncé que la décision de ne pas participer à la manifestation du 20 février a été prise par le secrétariat général du parti après quatre heures de débat sur les différents aspects de ce sujet, dans le cadre de la prise en considération des intérêts suprêmes du pays et de sa stabilité, et dans le respect des références et des règles de travail au sein de cette formation. Le Parti du progrès et du socialisme (PPS) a affirmé qu'il «ne peut adhérer qu'aux mouvements politiques et sociaux organisés, responsables et tendant à réaliser la justice sociale». Le PPS a, lui aussi, affirmé n'adhérer qu'aux mouvements politiques et sociaux organisés et responsables. Le secrétaire général de la Jeunesse socialiste, Driss Redouani, a affirmé samedi que son organisation est attachée aux contenus politiques du communiqué du PPS concernant l'appel à la manifestation du 20 février. La Chabiba ittihadia a affirmé, samedi, n'avoir jamais appelé à soutenir le mouvement appelant à la manifestation du 20 février, exhortant les jeunes Marocains à «la vigilance face à toutes tentatives de manipulation et d'exploitation des revendications sociales légitimes à des fins séparatistes ou obscurantistes». Le RNI a exprimé sa «compréhension» de nombre de revendications sociales formulées par certains citoyens marocains ayant appelé à la marche du 20 février, mais le parti «rejette et condamne» leur exploitation politique.