L'œil de l'actualité est gorgé de sédition. Tel pour un tube de dentifrice, la foule arabe, une fois dehors, est devenue difficile à faire rentrer. L'esprit est débordé par l'impensé. Rien n'est plus en abscisse et en ordonnée. Toutes les certitudes volent en éclat face non pas à un mouvement révolutionnaire mais devant une forme de mimétisme épidermique, inédit et imprévisible. Le principe est d'un simplissime désarmant : si les autres ont abouti, pourquoi pas nous ? Personne ne peut véritablement revendiquer le leadership des ces rébellions. Les islamistes, au lieu de se frotter les mains, devraient être les premiers à scruter ce qui se passe en cet Iran qui n'est pas épargné par le vent chaud de la liberté. Ils devraient trouver là matière à modestie. à l'opposé, ceux qui, lassés d'attendre, rêvaient du grand soir en sont aussi pour leurs frais tant les choses se déroulent sans eux. Il y en a deux pour qui cela doit procurer une jouissance secrète. D'une part Mark Zuckerberg, créateur de Facebook. Il voulait un outil pour draguer les filles. Il en a inventé un qui contribue à faire chuter les régimes les plus coriaces. Il est vrai que, grâce à son invention, les mots d'ordre lancés anonymement sont devenus plus vigoureux que les communications des autocrates, coûteuses certes, mais obtuses et éculées. Il y a d'autre part Al-Jazeera. Cette chaîne est un vrai lance-flammes qui se dissimule sous les habits d'un extincteur. Elle fait de la pyromanie une ligne éditoriale tout en portant haut le casque du pompier. Elle ne se contente pas d'être le témoin de l'histoire qui se déroule sous nos yeux. Elle en est devenue l'actrice, qui, à gorge chaude déployée, remue toutes les ferveurs. Et le Maroc dans tout cela. Nous avons aussi nos boute-en-train et nos exaltés. Ceux qui rêvent de la contagion et de la métastase. Ils font nombre par la magie du numérique et font beaucoup de bruit en ces temps de bravoure facile. En face, il ne faut pas se contenter de leur opposer la malheureuse théorie de l'exception marocaine. Si dans la dernière décennie notre pays a connu des avancées notables qui sont de nature à endiguer la contagion, il reste que nous avons l'humus et les ingrédients favorables à la colère. Toutefois, nous ne devons nous tromper sur la logique de la demande. Personne ne peut raisonnablement venir à bout de la pauvreté ou des inégalités par les simples vertus et magies du discours. L'égalité n'est d'ailleurs pas la vraie demande. La demande juste, légitime et impérieuse, c'est l'équité qui demeure le berceau du sentiment de justice et de la reconnaissance de chacun.