Dominique Strauss-Kahn a tout intérêt à cultiver ce jeu gagnant jusqu'à la dernière minute et à bénéficier de ce halo de mystère qui fabrique les légendes. Il a fallu d'une petite phrase lâchée avec de lourdes intentions par son épouse Anne Sinclair, pour que Dominique Strauss-Kahn enflamme de nouveau la galaxie politique, droite comme de gauche. Tout le monde attendait avec une certaine frilosité que le patron du FMI dise lui-même son agenda, confirme son intérêt de rempiler pour un second mandat à Washington et dire adieu aux primaires socialistes ou abandonner le FMI pour concourir à la rue de Solferino et donc l'Elysée. Voilà qu'Anne Sinclair, une ancienne gloire médiatique, aux yeux d'un bleu aussi ravageur que son sourire, annonce «Je ne souhaite pas qu'il fasse un second mandat au FMI». Cette petite phrase jeta un grand frisson dans le landernau. C'était, s'exclament certains impatients, le signe qui annonce le grand retour de Dominique Strauss-Kahn, lui le muet politique, le taiseux volontaire, la bouche cousue à double tour pour ne pas trahir ses intentions. La première réaction fut de saluer l'originalité du grand exercice de communication politique : faire dévoiler par son épouse l'éventualité d'un dessein sans être obligé d'y être lié et garder la manœuvre de faire marche arrière en cas de besoin. En utilisant son épouse comme un vecteur de communication, Dominique Strauss Kahn sait mieux que quiconque qu'une grande partie du crédit que lui accordent actuellement les Français et qui se reflète dans des sondages bienveillants est le fruit de cette posture muette, distanciée, au-dessus de la mêlée domestique. Une parole rare jusqu'à l'inexistence accentue le mystère, épaissit les envies, crée le besoin. Il est le sage tout en discrétion et en retenue quand d'autres s'excitent et amusent la galerie avec leurs ambitions précocement déclarées. Dominique Strauss-Kahn a tout intérêt à cultiver ce jeu gagnant jusqu'à la dernière minute et à bénéficier de ce halo de mystère qui fabrique les légendes. Sitôt la petite phrase d'Anne Sinclair connue, les détracteurs de DSK au sein du PS ont fait parler les cliquetis de leurs armes. François Hollande, l'ex-premier secrétaire du PS et dont l'étoile commence à briller de mille feux, Ségolène Royal dont la popularité et l'envie de se battre se maintiennent fermement, affirment que la démarche de Dominique Strauss-Kahn s'inscrit dans une volonté de rester le maximum de temps dans une «bulle sondagière, sa seule arme». Mais l'attaque la plus frontale fut formulée contre Dominique Strauss-Kahn par le tout nouvel espoir du «Front de gauche», Jean-Luc Mélenchon, à la démarche bouillante et au tempérament explosif. L'homme qui, suprême consécration, vient de faire son entrée dans «les Guignols de l'info», avait tonitruant annoncé qu'avec DSK au second tour de la présidentielle, la gauche irait au désastre. Jean-Luc Mélenchon donne le ton de ce qui attend Dominique Strauss-Kahn, une fois abandonné pour de bon son piédestal américain et descendu dans l'arène aux lions. Les critiques de Mélenchon résonnent fortement car il existe une profonde suspicion sur la réelle appartenance à gauche de DSK. Ce dernier et son entourage avaient l'habitude de balayer ses accusations d'un revers de la main : DSK est socialiste donc de gauche. Peu importe, se pourlèchent ses adversaires, qu'il préside aux destinées d'une grande organisation internationale, le FMI, dont la politique est aux antipodes de tous les gouvernements de gauche de la planète.