L'actuel directeur du Fonds monétaire international, le Français Dominique Strauss-Kahn, est obligé de naviguer avec un «péché» supplémentaire assumé: une infidélité conjuguale. Avec une dose de fatalisme revendiquée, la tentation est grande d'affirmer que le poste de directeur des institutions financières internationales est frappé par la malédiction des scandales de mœurs, de harcèlement sexuel avec leur cortège de favoritisme et d'abus de pouvoir. Après le grand scandale qui avait obligé Paul Wolfowitz, ancien patron de la Banque mondiale, à démissionner de son poste, après avoir été accusé de promouvoir illégalement la carrière et les émoluments de sa compagne, voilà l'actuel directeur du Fonds monétaire international, le Français Dominique Strauss-Kahn, obligé de naviguer dans une tourmente similaire, avec un «péché» supplémentaire assumé : une infidélité conjugale. DSK fait l'objet d'une enquête interne au FMI pour déterminer le degré de favoritisme dont aurait bénéficié une des ses anciennes maîtresses, Piroska Nagy, d'origine hongroise qui faisait partie de la grande hiérarchie du FMI. Depuis que le très sérieux «Wall Street Journal» a éventé cet incident, l'affaire DSK est sur toutes les lèvres. C'est que Dominique Strauss-Kahn n'est pas un fonctionnaire international ordinaire. Eléphant socialiste à la carcasse bien bâtie qui avait raté les primaires du PS avec Laurent Fabius devant Ségolène Royal, DSK fut nommé à ce poste à Washington par un Nicolas Sarkozy triomphant qui s'essayait avec une frénésie d'archéologue à l'exercice de l'ouverture politique. Ce n'est donc pas une surprise si par les premiers qui se sont lancés, têtes baissées dans sa défense, se trouve le porte-parole du gouvernement Luc Chatel, avec un hommage appuyé à son travail lors de cette tornade financière : « Je considère que Dominique Strauss-Kahn a démontré, dans toute la traversée de cette crise, qu'il était à la hauteur des événements (…) Il a pris toute la dimension de son rôle dans les dernières semaines». Au-delà des interrogations légitimes de savoir qui avait intérêt à ébruiter cette affaire alors que Nicolas Sarkozy tente de profiter des dernières semaines de sa présidence de l'Union européenne pour lancer les bases de la refondation du système financier international, il n'empêche que ses proches en France ont tout de suite crié à la déstabilisation organisée. Le député socialiste Jean-Marie Le Guen attribue cette brusque campagne et cette «volonté de déstabilisation» aux idées de DSK sur «la régulation du monde financier» qui ne lui procurent pas que des amis. Pour un autre proche de DSK, le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis, la messe est dite : «ça me paraît assez étonnant dans cette phase de crise financière où Dominique Strauss-Kahn s'envole dans les sondages. Je pense qu'on veut lui faire mauvaise querelle (…) C'est un incident de vie d'une banalité confondante et on veut en faire une grande affaire politique, je crois qu'il y a anguille sous roche». Les rivaux socialistes de DSK, dont une grande partie des éditorialistes français lui attribuent la volonté de vouloir mener la bataille présidentielle de 2012 ne serait-ce que pour effacer «l'humiliation» de 2007, se sont fait un plaisir de déverser leur fiel surtout à la veille du congrès de Reims où le courant «strauss-kahnien» est crédité de jouer un rôle décisif dans le choix final. Championne toute catégorie du baiser qui tue, Ségolène Royal qui assassine littéralement DSK : «j'espère qu'il sera blanchi dans cette histoire, parce que sinon, pour la réputation du sérieux et de la compétence de la France, ce serait très embêtant». Commentaire moins acide mais non moins pervers, celui de l'autre prétendant au leadership des socialistes, Bertrand Delanoë, le maire de Paris : «Lorsque les faits ne sont pas établis, je ne veux pas que l'on jette l'opprobre. Bien entendu, je suis soucieux de l'exigence éthique de l'application de toutes les règles». La situation de DSK est tellement sensible que son épouse, Anne Sinclair, l'ex-star de la télévision qui avait le pouvoir de magnétiser toute la classe politique avec le bleu pétillant de ses yeux, se croit obligée de monter au créneau et de faire cette déclaration sur son blog: «Pour ma part, cette aventure d'un soir est désormais derrière nous. Nous avons tourné la page, nous nous aimons comme au premier jour».