Onze ONG des droits de l'Homme affirment que les forces de l'ordre, des représentants des autorités locales et des Sahraouis auraient commis des violations des droits de l'Homme lors des incidents de Laâyoune. L'analyse des incidents sanglants de Laâyoune et du camp de Gdim Izik est toujours à l'ordre du jour. Plus de deux mois après ces événements qui ont fait 11 morts parmi les forces de l'ordre, des composantes de la société civile ont livré leur version des faits. Il s'agit, entre autres, de l'Ordre des avocats au Maroc, la Ligue marocaine de défense des droits de l'Homme, l'AMDH, le FMVJ, le Centre marocain des droits de l'Homme, l'Association Adala, la Ligue marocaine de la citoyenneté et des droits de l'Homme, l'Organisation des libertés des médias et d'expression, l'Instance marocaine des droits de l'Homme et le Centre des droits des gens. En effet, ces onze associations de défense des droits de l'Homme ont présenté, cette semaine, leur récit chronologique et analytique des événements. Un récit qui ne s'éloigne pas trop de la version officielle, bien qu'il fait état de ce que ces associations qualifient de l'existence de cas de violations des droits de l'Homme, dont seraient responsables les forces de l'ordre, des représentants des autorités locales de Laâyoune ainsi que des citoyens sahraouis. Le travail accompli par les associations des droits de l'Homme se présente sous forme d'un rapport de trente huit pages, qui intervient quelques jours seulement après la publication, mercredi 12 janvier, du rapport de la Commission d'enquête parlementaire. Un rapport qui avait relevé plusieurs dysfonctionnements dans la gestion du dossier. L'enquête menée sur place par les ONG s'est basée essentiellement sur les témoignages de personnes qui ont pris part au mouvement de protestation de Gdim Izik et des militants des droits de l'Homme de la région. Le rapport affirme que les événements du camp de Gdim Izik et de Laâyoune ont révélé que les protestataires avaient uniquement des revendications d'ordre social relatives au logement et à l'emploi, et que le camp n'avait nullement des revendications politiques liées au séparatisme. Les ONG indiquent que le mouvement de protestation a commencé le 10 octobre 2010, avec une dizaine de personnes et quelques tentes, avant de passer à 6.000 tentes abritant 20.000 personnes. Le rapport souligne, par ailleurs, que le dialogue entre les autorités et le comité de dialogue du camp composé de neuf personnes est passé par trois principales étapes. La première étape était du 10 octobre 2010 jusqu'au décès du jeune Najem El Gareh survenu le 24 octobre 2010. A ce stade, le collectif souligne qu'il y a eu absence de communication entre les deux parties. Lors de la deuxième étape, il y a eu le dialogue entre le comité du camp et la commission de l'Intérieur composée de trois gouverneurs de l'administration centrale. Lors de cette étape, les protestataires ont demandé plus de garanties de la part des autorités. Et lors de la troisième étape, qui a duré du 2 au 4 novembre, l'intervention du ministre de l'Intérieur, Taib Cherkaoui, a donné, selon le rapport, plus d'assurance au dialogue. En effet, il y a eu un accord entre les deux parties prévoyant l'octroi aux protestataires des lots de terrain et des cartes de l'Entraide nationale, en contrepartie du démantèlement du camp. Le rapport des ONG affirme qu'il y a eu, probablement, une opposition à cet accord de la part de certaines personnes au sein du camp. Il s'en est suivi, selon la même source, le communiqué du ministère de l'Intérieur du 5 novembre, faisant état de l'existence au sein du camp de Gdim Izik de personnes prises en otage. Le rapport affirme que l'opération de démantèlement du camp, lundi 8 novembre 2010, a commencé entre 5h30 et 6h30 et n'a duré qu'environ 55 minutes. Selon la même source, suite à cette démarche, des informations parvenues à Laâyoune avaient fait état de l'existence de plusieurs morts dans le camp. Le document souligne que des personnes cagoulées ont sillonné les rues de Laâyoune incitant la population à se manifester, ce qui a occasionné des actes de vandalisme ayant porté préjudice à plusieurs biens publics et privés . Le collectif des droits de l'Homme affirme que les forces de l'ordre, des représentants des autorités locales et des Sahraouis auraient commis des violations des droits de l'Homme lors des incidents de Laâyoune. Du côté des forces de l'ordre, le rapport note que le camp de Gdim Izik a été pris d'assaut très tôt le matin. Aussi, selon les témoignages recueillis auprès des personnes qui ont pris part au mouvement de protestation cités par le rapport, l'assaut a eu lieu dix minutes seulement après l'appel fait par les hélicoptères aux protestataires d'évacuer le camp. Ces deux éléments ont fait en sorte, selon le rapport, que les protestataires n'ont pas disposé du temps suffisant pour quitter le camp. Les ONG précisent, aussi, que les éléments des forces de l'ordre auraient fait usage de la violence dans le cadre des arrestations qui ont eu lieu suite au démantèlement. Pour ce qui est du bilan des morts, les onze ONG ont confirmé la version officielle. Il s'agit de onze martyrs du devoir parmi les forces de l'ordre et deux civils. Le document souligne, en outre, que ces meurtres sont dus essentiellement au fait que les forces de l'ordre ne portaient pas d'armes et à la violence excessive dont ont fait preuve les fauteurs de troubles. Aussi, parmi les violations des droits de l'Homme, que les ONG affirment avoir constatées, certaines personnes blessées auraient été interdites d'accéder à l'hôpital. Le rapport dénonce également le fait que les familles de certaines personnes arrêtées n'auraient pas été informées de l'arrestation de leurs proches. En outre, selon les avocats des personnes arrêtées cités par le rapport, ces dernières auraient subi des traitements inhumains et dégradants. Le rapport évoque également la violation du droit à l'information. Les ONG expriment leur inquiétude de voir certaines personnes arrêtées traduites devant le tribunal militaire. Les recommandations Concernant les autorités publiques : 1- L'établissement de la vérité et la détermination des responsabilités à propos des événements de Laâyoune. 2- La garantie aux personnes arrêtées des conditions du procès équitable. 3- Ne pas poursuivre les civils devant le tribunal militaire. 4- Procéder à des enquêtes pénales à propos des cas de violation des droits de l'Homme. 5- Poursuivre le règlement des violations passées des droits de l'Homme dans la région. 6- Dédommager les personnes ayant perdu leurs propriétés au camp Gdim Izik et à la ville de Laâyoune. Concernant les partis politiques : 1- La mobilisation et l'encadrement des citoyens. 2- Le dépassement de l'attitude actuelle des partis consistant à laisser le dossier tout entier entre les mains des autorités centrales. Concernant la société civile : 1- Militer sur la base du référentiel international des droits de l'Homme et en toute indépendance. 2- Ouvrir un débat entre les composantes du mouvement des droits de l'Homme et les militants sahraouis sur le dossier du Sahara. 3- Encourager la coopération et la cohabitation dans la région. Concernant les médias : 1- La presse écrite est appelée à être consciente du rôle qu'elle joue dans la société et à respecter les règles du professionnalisme. 2- Les médias espagnols, ayant commis des dérives dans le cadre de leurs couvertures des événements, sont appelés à respecter les règles de la profession et de présenter des éclaircissements sur les fausses informations qu'ils ont véhiculées.