Logiquement, François Fillon devrait gagner en autorité sur ses ministres, quand dans l'ancien temps, ils passaient outre pour réclamer un arbitrage direct de l'Elysée. Dire que les Français piaffaient d'impatience d'entendre le discours de politique générale de François Fillon serait une énorme contre- vérité. Dire que son intervention était passée dans une totale indifférence serait une exagération presque outrancière.C'est que, sans soulever une vague d'enthousiasme, l'homme était attendu avec une certaine curiosité. C'était la première grande apparition de François Fillon depuis qu'il avait réussi la performance d'obliger Nicolas Sarkozy à prolonger son bail à Matignon. Et si au niveau des grandes décisions, il n'y avait de grandes surprises à attendre, tout ou presque ayant déjà été détaillé au cours de la récente intervention télévisée du chef de l'Etat, tout se cachait dans les détails et les marges. Maintenir la cap de la réforme dans la crise , ne pas hésiter à gargariser son intervention de «rigueur» «austérité», mots absolument tabous pendant la première moitié du quinquennat, au nom de la «vertu budgétaire», François Fillon s'était livré à une vrai mise à niveau sémantique avec ses propres convictions, sans que cela ne suscite l'ire des l'Elysée et le recadrage, toujours prompt à le rabaisser, de ses conseillers. Même si l'opposition s'est empressée de pointer le côté creux et grandiloquent de son discours, François Fillon a engrangé plusieurs bénéfices. Premier gain symbolique de cette intervention, le Premier ministre a dû apporter sa marque à la feuille de route dessinée par Nicolas Sarkozy. Ce qui constitue déjà une grande avancée pour quelqu'un qui avait toujours été considéré comme «un collaborateur» en sursis. Logiquement, François Fillon devrait gagner en autorité sur ses ministres, quand dans l'ancien temps, ils passaient outre pour réclamer un arbitrage direct de l'Elysée. Cette libération relative de la parole devrait donc s'accompagner par un rééquilibrage des rôles. Second gain de François Fillon est la standing ovation qui avait clôturé son discours. Une forte image qui en dit long sur le bonheur des parlementaires UMP de l'avoir conservé à Matignon et qui révèlent au grand jour toutes les difficultés qu'avait rencontrées Nicolas Sarkozy à les convaincre du contraire. Il est vrai que François Fillon n'avait raté aucune occasion, aucune tournure de phrase pour souligner l'excellence des relations qui le lient à Nicolas Sarkozy et la grande confiance qui marque leurs rapports. Il faut dire qu'il était attendu sur ce point particulier. Quelles réponses allait-il donner à tous ceux qui voient en son maintien à Matignon l'ouverture du livre de la cohabitation ? François Fillon se permet même des messages de consolation et de confiance avec cette phrase concoctée spécialement à l'adresse de Nicolas Sarkozy : «l'impopularité d'un jour peut devenir l'estime du lendemain». Mais sans le vouloir, François Fillon s'est encore distingué de Nicolas Sarkozy. Dans cette séquence particulière, tandis qu'il était en train de tracer le cap de la politique à suivre, des chantiers de la réforme à lancer, de tenter d'incarner, Nicolas Sarkozy était en train de se dépêtrer dans une polémique avec la presse sur «les journalistes pédophiles » sur fond de l'affaire Karachi sur les rétro commissions. Deux styles, deux méthodes avec des effets miroir, tout ce qu'il y a de ravageur.