Quand on lance un projet comme Médi1Sat, on est censé savoir que, commercialement, il aura certainement d'énormes difficultés… Médi1 Sat est devenue Médi 1 Tv. Le rêve d'une chaîne de télévision d'information et d'influence orientée vers le Maghreb et la Méditerranée est fini. Désormais, la chaîne qui siège à Tanger ne sera plus qu'une télévision parmi d'autres, un média audiovisuel ordinaire. Son patron a expliqué ce choix par des besoins commerciaux estimant qu'il s'agit d'un «changement de modèle économique» puisque, estime-t-il, le «modèle du tout info» ne fait plus l'affaire. En fait, ce n'est pas uniquement le «modèle économique» qui change mais c'est tout le concept initial qui est remis en cause. On abandonne une télé et on invente une autre. Et Abbas Azzouzi, P-dg de Médi 1 Tv, a raison de faire ce choix étant donné qu'il raisonne comme un décideur d'entreprise qui, n'arrivant pas à vendre un produit, l'abandonne et en crée un autre conforme à la demande du marché. Mais, le problème qui se pose est que l'on a oublié dans toute cette affaire une chose essentielle, à savoir pourquoi on fait une télé comme la défunte Médi1 Sat ? Car, quand on lance un tel projet, on est censé savoir que, commercialement, il aura certainement d'énormes difficultés. Mais, la finalité de l'opération va au-delà d'un simple projet médiatique qui devrait rapporter de l'argent. Faut-il rappeler que ceux qui ont créé Al Jazeera avaient rencontré le même problème au début. Les téléspectateurs se rappellent probablement que, pendant les deux premières années, la chaîne qatarie ne cessait pas de diffuser un seul et unique spot publicitaire qui disait : «Pour annoncer sur Al Jazeera, contacter l'agence Jouhaïna». Pour les connaisseurs du dossier, cette agence avait été boycottée d'une manière bien orchestrée par l'ensemble des annonceurs des pays du Golfe. Les dirigeants de la chaîne ont pourtant été aidés à résister et n'ont pas renoncé au concept initial. Aujourd'hui, même si l'on n'est pas d'accord avec la ligne éditoriale ni la manière très peu déontologique de faire le journalisme dans cette chaîne, il faut reconnaître qu'elle a permis au Qatar de compenser sa faiblesse géopolitique dans la région du Golfe par une grande force de frappe médiatique de dimension internationale. Or, si ses dirigeants avaient décidé d'abandonner leur concept dès l'échec enregistré par Jouhaïna, leur première régie publicitaire, ils auraient eux-aussi changé de «modèle économique» et le Qatar aurait continué à être ce petit émirat qui a accédé à l'indépendance en 1971 et qui ne compte pas dans les grandes manœuvres géopolitiques qui s'opèrent dans le Golfe.