Les députés français ont voté, ce mardi 6 juillet, le texte de loi préparé par leur gouvernement, qui interdit le port du voile intégral dans l'espace public. L'opposition de gauche, qui ne souhaitait pas légiférer, n'a pas, pour autant, voté contre. En effet, une majorité de l'opinion publique française manifeste, si ce n'est une virulente hostilité, au moins une vraie gêne à croiser dans les rues des femmes aux allures de fantômes, entièrement drapées de tissus sombres, qui ne laissent pas voir le moindre centimètre de peau et, surtout, cachent leur visage. Les responsables politiques autant que les sociologues et les juristes qui ont réfléchi à la bonne manière d'endiguer « la marée noire » des voiles, ont eu du mal à élaborer un raisonnement juridique. Interdire la burqa au nom de la laïcité? Mais c'est l'Etat, ses services et les collectivités locales qui ont l'obligation de respecter une neutralité religieuse et philosophique: pas les citoyens et résidents. De surcroît, selon certains, le voile intégral ne correspond pas à une injonction religieuse: il s'agit d'une interprétation et, surtout, d'une façon de vivre en rupture avec la société dominante. Pouvait-on, davantage, se prévaloir de la défense de la dignité de la femme? Manifestement, la majorité des femmes qui, en France, s'habillent ainsi revendiquent leur choix. Ne restait plus qu'un argument: celui d'affirmer que la dissimulation des visages est contraire au « vivre-ensemble » et constitue, de ce fait, une menace pour l'ordre public. Cette pratique, en effet, s'oppose à l'existence de relations égalitaires, puisque si la personne voilée ne laisse pas voir son visage, en revanche, derrière son voile, elle peut observer librement le visage des autres... Le raisonnement est intéressant. Pourrait-il être tenu dans des sociétés musulmanes comme le Maroc où se pose, aussi, la montée en puissance de courants religieux fondamentalistes? Rien n'est moins certain. Car une des grandes différences entre le monde occidental marqué par une longue histoire chrétienne ( même lorsqu'il rejette cet héritage ) et les sociétés façonnées par l'Islam, c'est que les sociétés occidentales sont des «sociétés du visage». Selon la théologie chrétienne, Jésus-Christ est «le visage visible du Dieu invisible». Il sera, dès lors, possible de tenter de lui donner un visage. Et alors que les sociétés musulmanes ont proscrit la construction d'images humaines, que ce soit par la peinture ou la sculpture, les sociétés chrétiennes d'Occident et d'Orient, au contraire, ont multiplié ces représentations. Presque tous les pays européens, terres nouvelles de «l'Islam transplanté», ont aujourd'hui le souci de limiter la progression de cette pratique du « voile intégral». Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Italie, Danemark, Suisse, cherchent tous à mettre en place des réponses législatives. L'application des interdictions s'annonce, cependant, des plus difficiles. La verbalisation des femmes «trop» voilées risque de créer des troubles à l'ordre public. C'est pourquoi ces pays ne pourront s'en sortir heureusement, que s'ils parviennent à convaincre leurs habitants musulmans que, malgré de telles lois, ils respectent néanmoins réellement leur religion et sa pratique.