Eric Raoult, dont le dernier poste occupé est celui de rapporteur de la mission parlementaire sur le voile intégral, a un parcours et des sorties qui frisent avec la droite musclée. Le meilleur signe que la situation des musulmans de France est beaucoup plus inquiétante que ne le laissent croire les incidents rapportés par l'actualité, c'est que l'étendard de la lutte contre l'islamophobie soit porté par un homme comme Eric Raoult, député de la Seine Saint-Denis. Il est vrai qu'il a été dans une autre vie ministre de l'Intégration et de la Lutte contre l'exclusion, mais parait insuffisant pour garantir et la sincérité et l'efficacité d'un tel engagement. C'est que l'homme, dont le dernier poste prestigieux occupé, envié par beaucoup, est celui justement de rapporteur de la mission parlementaire sur le voile intégral, a un parcours et des sorties qui frisent traditionnellement avec la droite musclée, dure, qui bombe le torse avant de penser au vivre ensemble républicain. Ses détracteurs l'ont souvent accusé de mimer les postures du Front National pour attirer ses voix à sa famille politique d'abord le RPR de Jacques Chirac dont il était un prometteur jeune espoir, ensuite l'UMP de Nicolas Sarkozy dont il est devenu un fidèle supporter qui râle plus pour se faire remarquer que pour s'opposer. Avant de s'engager dans cette affaire de voile intégral, Eric Raoult était récemment au centre d'une polémique dans laquelle il avait laissé beaucoup de plumes sans gagner le moindre galon sauf à conforter sa réputation de snipper bagarreur à l'affût de la moindre occasion pour se faire remarquer. Cette polémique est celle qui l'a opposé au prix Goncourt Marie N'Diaye, lorsque, évoquant les raisons de son départ pour l'Allemagne, elle a justifié : «Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. Je trouve cette France-là monstrueuse». Eric Raoult, comparé régulièrement à un pompier pyromane, était le seul à s'être précipité pour répondre : «ces propos d'une rare violence sont peu respectueux, voire insultants, à l'égard de ministres de la République et plus encore du chef de l'Etat». Ce fut la dernière grande polémique d'Eric Raoult, l'homme qui avait soutenu Ariel Sharon dans la construction du mur séparant Palestiniens et Israéliens et qui trouve des vertus démocratiques au président tunisien Zine Al Abidine Ben Ali. Eric Raoult vient donc d'écrire une lettre au président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer dans laquelle il lui demande la création d'une mission d'information sur l'islamophobie. Objectif ambitieux : faire de la lutte contre ce phénomène «une véritable cause nationale». Par cette démarche et même si elle devait rester au stade de la lettre morte et du vœu pieux, Eric Raoult se distingue au sein de sa propre famille politique. D'ailleurs les critiques acerbes qu'il avait adressées à Jean-François Copé, l'inspirateur de cette chasse à la burqa, révèle de grandes dissensions au sien du parti présidentiel que structurent davantage les ambitions personnelles que les divergences proprement politiques. Eric Raoult ne cache pas l'arrière-pensée de sa démarche: «Je n'ai pas envie que, sans le faire exprès, on pousse les musulmans dans les bras de la gauche». Comme si il y a un vrai partage des rôles : la lutte contre le burqa pour draguer les électeurs de l'extrême droite et celle contre l'islamophobie pour empêcher les déçus de rejoindre la gauche.