Soumaya Nouaman Guessous estime que le premier rapport sexuel est de plus en plus fréquent avant le mariage. ALM : Quand peut-on parler du premier rapport sexuel dans le contexte social marocain? Nouaman Guessous : Dans la société marocaine, le premier rapport sexuel s'effectue de plus en plus avant le mariage. Il n'y a pas de mari puceau. Et c'est également le cas pour de plus en plus de filles, que ce soit de manière superficielle, ou à travers la sodomie ou carrément qu'il s'agisse d'intromission (pénétration). Dans ce dernier cas, la fille a deux possibilités : soit elle assume et se mariera ou elle n'accepte pas sa situation et utilise des moyens de substitution. Et quand les partenaires vont se rencontrer lors de la nuit de noces, c'est tout un programme. Est-ce que le couple avait des relations préalables ou est-ce que c'est la première expérience des deux partenaires, ou uniquement la première expérience de l'un des deux ? Dans le premier cas, leur relation s'inscrit dans la continuité.On ne parle alors plus d'un premier rapport. Dans les deux cas de figure, on parle du premier rapport sexuel. L'homme s'attend toujours à ce que la fille soit vierge. Est- ce que la perception de la virginité chez les Marocains a évolué ? Près de 96% des jeunes Marocains exigent la virginité de la femme lors du mariage, sachant que l'âge moyen du mariage au Maroc, aujourd'hui, est de 29 ans pour la femme et de 33 ans pour l'homme. Il faut aussi dire que la défloration se fait de plus en plus avec douceur, incluant les préliminaires... Mais dans les zones rurales, cela se passe encore de manière expéditive et violente. La famille des mariés attend à ce que la femme saigne, preuve de la virilité de l'homme et de la bonne éducation de la femme. Ce qui fait que le premier rapport si important soit-il n'est pas vécu dans la volupté ni l'intimité requise. Les Marocains sont-ils suffisamment éduqués sexuellement ? Généralement, le contexte de la société marocaine ne favorise pas la réussite du premier rapport sexuel conjugal. Les hommes se focalisent sur la virginité, alors qu'ils savent aussi que la virginité se refait facilement. Mais, si les deux partenaires sont tous deux vraiment vierges, ils explorent ensemble leur sexualité, et les choses se font petit à petit. Par ailleurs, l'homme peut être expérimenté et exigeant et avoir en face une femme inhibée et dont les pulsions ont été brimées par l'éducation et un contexte social marocain cultivant les interdits. Aussi, les jeunes sont de plus en plus expérimentés, ils ont accès à l'Internet et font de plus de plus leurs propres représentations de l'acte sexuel à travers les films pornographiques et autres. Quelle difficulté peut rencontrer le couple lors de la nuit de noces? Mais il arrive lors de la nuit de noces qu'un homme expérimenté ait en face de lui une femme qui ne l'est pas ou qui fait semblant de ne pas l'être. Une fille ne va pas se libérer sexuellement du jour au lendemain. Et après la lune de miel, le mari peut se trouver frustré parce que l'épouse ne peut pas lui procurer autant de fantaisies que les filles qu'il a vues sur Internet ou avec lesquelles il a eu plusieurs expériences. Résultat, la femme est insatisfaite et se dérobe de plus en plus de l'acte. Le mari devient adultère, et le fossé se creuse. Quels conseils pourriez-vous donner pour que les gens soient mieux préparés pour ce premier rapport? Il faut tout un colloque à ce sujet. Ce que je peux dire c'est que l'homme marocain doit prendre une position claire: ou bien admettre qu'il est dans la modernité, ou bien assumer sa culture musulmane et s'exiger la chasteté pour lui autant que pour la femme. Le premier rapport est important parce qu'il conditionne la relation du couple et doit bien être préparé. Actuellement, je prépare un livre sur la communication dans le couple, et la sexualité y occupe un volet très important. L'acte sexuel est le pilier du couple. Aussi il faut comprendre que la virginité est un choix de la femme.