Dans ce bras de fer contre Georges Frêche, Martine Aubry joue une carte politique extrêmement sensible. Pour ne pas «perdre son âme», la première secrétaire du Parti socialiste Martine Aubry a donc décidé de se séparer de Georges Frêche président socialiste sortant de la région Languedoc-Roussillon après que celui-ci ait récidivé dans son délire raciste en s'en prenant à «la tronche» de Laurent Fabius. Après les Harkis, les Blacks, les allusions scabreuses aux origines juives d'un dirigeant socialiste ont été la goutte qui a fait déborder le vase. La sanction de Martine Aubry est politique. Elle avait le choix entre se voiler la face ou agir. Et elle a agi. Elle a décidé de lancer une liste concurrente à Georges Frêche et d'investir à sa tête la maire de Montpellier Hélène Mandroux. Décision actée du bureau national du PS réuni mardi après-midi. Suprême punition qui ne tolère aucun compromis, aucune mauvaise interprétation. Sauf que, comme toute vérité politique, la socialiste n'est pas d'une clarté évidente. A la surprise médiatique générale, de nombreuses voix se sont élevées pour contester la décision de Martine Aubry et de prendre la défense de Georges Frêche, semant brouillage et confusion. Ainsi donc, l'homme qui a traité les Harkis de sous-hommes, qui s'est ému du nombre très important des Noirs dans l'équipe de France, qui trouve naturel de moquer la physionomie d'un leader socialiste, cet homme-là ne serait qu'un vieux militant au langage coloré et souvent éruptif, sans aucune arrière-pensée raciste et xénophobe. Et le procès politique que l'actuelle direction est en train de lui faire ne serait qu'un prétexte pour éliminer un élément gênant, pour sa stratégie à la veille d'importantes primaires, de la plus puissante fédération socialiste de France. Même un homme comme Jean-Claude Gayssot, vice-président communiste de la région Languedoc-Roussillon et dont la fameuse loi qui lutte contre le racisme et l'antisémitisme porte son nom «la loi Gayssot», est monté au créneau pour défendre Georges Frêche. Il valide par la même occasion la thèse de «la grosse manipulation» politique avec cet argument : «On voit bien qu'il y a un axe Fabius-Aubry (alors que) Frêche est plus Royal-DSK». Cette stratégie de défense est reprise par Georges Frêche lui-même : «Dans cette affaire, elle (Martine Aubry) m'instrumentalise pour préparer sa campagne présidentielle». L'appareil socialiste local, incarné par les premiers secrétaires départementaux, a volé, à sa manière, au secours de Georges Frêche en stigmatisant les postions «anti-démocratiques» de Martine Aubry qui «vont à l'encontre des choix des militants». Frêche a par ailleurs menacé d'attaquer en justice Martine Aubry et le PS pour «non respect du vote des militants». Dans ce bras de fer contre Georges Frêche, Martine Aubry joue une carte politique extrêmement sensible. Si elle était certaine de conserver la région Languedoc-Roussillon dans le giron des socialistes, sans Georges Frêche, ce dernier ne serait qu'un mauvais souvenir, un accident de parcours. Mais dans le cas où la droite récupère la région ou, suprême surprise, Georges Frêche la garde sous sa houlette, la route de Martine Aubry vers l'Elysée sera pavée des plus infernales intentions.