François Fillon se retrouve seul, sous la lumière à batailler pour défendre le bien-fondé de la surpression de la taxe professionnelle. A quoi sert un Premier ministre dans la gouvernance de Nicolas Sarkozy ? Certainement pas à lancer les grands discours fondateurs ni à initier les réformes les plus novatrices, mais plutôt à recevoir les tomates pourries des mecontents et les sifflets rageurs des insurgés. C'est ce qu'il vient de démontrer lorsqu'il avait participé au 92e congrès des maires de France qui s'est tenu à la Porte de Versailles. Logiquement et à la veille des élections régionales, un animal politique surdoué comme Nicolas Sarkozy n'aurait pas raté un tel rassemblement qui réunit sous un même chapiteau 11.000 maires. Une si belle tribune, si exposée et si visible pour amplifier son discours et sa méthode. L'occasion aurait été trop belle pour vendre ses réformes aux locaux de la politique. Une vraie et solide incursion dans les terroirs à un moment où il est question de reprendre le fil du dialogue avec les Français et …les séduire. Mais voilà, Nicolas Sarkozy n'a pas pu s'y rendre, prétextant un voyage en Arabie Saoudite. Un agenda diplomatique devenu immuable et subitement chargé. La réalité est que son entourage avait peur que le contact avec les maires ne dégénère en rébellion ouverte. La majorité des maires de France sont si remontés contre la suppression de la taxe professionnelle qui les prive de la moitié de leurs ressources, près de 18 milliards d'euros par an, que le pire était à craindre. Evaluant les gains et les pertes d'une telle aventure, les communicants de l'Elysée ont préféré plutôt l'esquive à l'affrontement. Une rencontre avec une délégation de maires triés aura lieu ultérieurement à l'Elysée, mais sans l'électricité de la colère et de la frustration. Et voilà comment le Premier ministre François Fillon que la chronique politique décrit comme croulant sous l'ennui de son inaction, se retrouve seul, sous la lumière, au centre de la scène, à batailler pour défendre le bien-fondé de la surpression de la taxe professionnelle. De cet exercice où il n'avait rien à prendre, que des coups de griffes, François Fillon semble avoir marqué des points. Il est vrai qu'il fut accueilli par des sifflets et des huées d'une opposition remontée contre ce projet, mais le fait qu'il ait pu dialoguer, argumenter, répondre aux inquiétudes des élus locaux comme il aime à dire, est déjà une victoire en soi. Jouant son va-tout, François Fillon n'a pas reculé d'un iota sur la décision stratégique de Nicolas Sarkozy de supprimer la taxe professionnelle. A tous ceux qui lui demandaient d'abandonner cette idée, le Premier ministre était encore plus déterminé estimant qu'un tel comportement constituerait une «faute historique alors que la reprise se profile en 2010» et d'ajouter que : «la violence de la crise économique et l'exacerbation de la concurrence internationale justifient sa mise en œuvre immédiate». Même s'il ne semble pas avoir gagné en persuasion, l'opposition à l'abolition de la taxe professionnelle demeure plus forte que jamais, François Fillon a réalisé une performance et un succès d'estime. Remplacer au pied levé le président Nicolas Sarkozy dans un exercice aussi périlleux, a été salué par la critique comme une performance courageuse. En marge de cet effort d'explication, et comme une sorte de fausse note qui pollue sa sortie, François Fillon entretient une relation difficile avec des personnalités de la majorité présidentielle, comme Jean-Pierre Raffarin, l'homme qui mène la rébellion des sénateurs de droite contre la suppression de la taxe professionnelle. Jean-Pierre Raffarin reproche à François Fillon de s'être lancé dans un exercice périlleux depuis le Viêtnam où il était en visite : «On ne critique pas son pays de l'étranger (…) Lionel Jospin lui a répondu. Je pourrais également lui répondre».