Pour contrecarrer «l'hégémonie marocaine sur l'islam en Espagne», le CNI crée en 2001 des pépinières d'intégrisme qu'il regrette aujourd'hui. La politique de réduction de l'influence marocaine sur les musulmans d'Espagne initiée par le gouvernement Aznar et poursuivie sous celui de Zapatero est en train de se retourner contre les intérêts de leur pays. Le mouvement Al Adl Wal Ihssane qu'une frange des services de renseignements espagnols a injecté, soutenu et propulsé au sein de la communauté des musulmans espagnols – ou résidents en Espagne – commence à dresser la tête et à vouloir prendre la direction de la Fédération espagnole des entités religieuses islamiques (FEERI). Le monstre est devenu tellement fort et dangereux qu'il commence à faire peur à son propre géniteur. Les élections pour le renouvellement du bureau de la fédération qui réunit et représente tous les musulmans d'Espagne devant les instances officielles de l'Etat, auront lieu dans quelques jours. Et, selon les observateurs, la bataille sera dure entre les musulmans modérés qui suivent le rythme malékite conformément aux traditions séculaires du Maroc et les activistes du tentaculaire mouvement de Abdessalam Yassine. À Madrid, on commence à craindre de voir la FEERI dirigée par un mouvement qui ne cesse d'appeler à la reconquête de l'Andalousie. Or, ceux que les responsables sécuritaires espagnols qualifient, aujourd'hui, de menace ne sont que les premiers bourgeonnements d'une graine que leurs prédécesseurs ont cultivé. Tout avait commencé avec la nomination, en juin 2001, de l'ex-ambassadeur espagnol à Rabat, Jorge Dezcallar, à la tête du Centre national d'intelligence (CNI). Nommé à ce poste à un moment où les relations entre les deux Royaumes étaient très tendues, M. Dezcallar, connaisseur supposé du Maroc, avait présenté au chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar un plan stratégique visant à «retirer, une par une, les cartes dont le Maroc dispose face à l'Espagne». Parmi ces «cartes», figurait l'affaire de «l'hégémonie des Habous marocaines» sur l'encadrement des musulmans en Espagne. C'est ainsi que commença une stratégie de « diversification » de l'islam espagnol. Le CNI a commencé ainsi à créer des pépinières de l'islam intégriste pour équilibrer avec l'islam modéré. En faisant cela, il a privilégié l'hégémonie intégriste incontrôlable à une hégémonie modérée et contrôlée par un Etat connu pour être l'un des plus importants remparts contre l'intégrisme. C'est l'idée la plus idiote que des services secrets occidentaux aient eu lieu durant les cinquante dernières années, estime un observateur spécialisé dans le renseignement. Un commentaire qui se justifie pleinement quand on voit la situation de crise que vivent ces mêmes services aujourd'hui face à la montée de l'intégrisme dans ce pays.